C’est une petite bombe qu’a larguée Al Gore en marge de la COP29 à Bakou. Selon l’ancien vice-président américain et figure de proue de la lutte contre le réchauffement climatique, tenir ces grand-messes environnementales dans des “pétro-Etats” relèverait tout simplement de l'”absurde”. Un jugement sévère qui ne manquera pas de faire réagir.
Un “conflit d’intérêts direct” pour les pays hôtes
Alors que le choix de l’Azerbaïdjan, qui tire 90% de ses revenus des hydrocarbures, pour accueillir cette COP29 avait déjà suscité des réserves, Al Gore enfonce le clou. Pour l’ex-prix Nobel de la paix, confier l’organisation de ces sommets à des pays aussi dépendants du pétrole et du gaz reviendrait à leur donner les clés du débat, avec le risque qu’ils fassent primer leurs intérêts économiques :
Il est difficile de ne pas voir qu’ils ont un conflit d’intérêt direct.
Al Gore, à propos des “pétro-Etats” hôtes des COP
Un processus sous influence russe ?
Pour Al Gore, le “processus habituel” de désignation des pays hôtes serait en outre biaisé, la Russie ayant selon lui “posé son véto sur tout le monde sauf l’Azerbaïdjan”. Une affirmation explosive, qui jette le doute sur la neutralité et la légitimité même de ces conférences.
L’ONU et un “test” pour les participants
Face à ce constat alarmant, l’ancien vice-président américain appelle à une réforme en profondeur du système. Il suggère ainsi que le secrétaire général de l’ONU soit associé à la désignation des pays et villes hôtes ainsi que des présidents de COP.
Al Gore va plus loin et propose l’instauration d’un “test” pour les délégués de la COP, visant à déterminer leurs réelles motivations :
Est-ce qu’ils viennent pour trouver une solution ou bloquer la solution?
Al Gore, sur les critères de sélection des participants à la COP
Une proposition choc, qui écornerait la présence des lobbys des énergies fossiles dans ces négociations. Pour Al Gore, il serait ainsi “absurde” que les “plus gros pollueurs” aient plus de délégués que le pays le plus représenté ou que les pays les plus affectés par le changement climatique.
L’élection de Trump, un non-événement ?
Interrogé sur les conséquences d’un possible retour de Donald Trump à la Maison Blanche sur l’action climatique mondiale, Al Gore se veut rassurant. Selon lui, une victoire du climato-sceptique revendiqué n’aurait “presque aucun effet”, comme lors de son précédent mandat. Il mise sur la dynamique des marchés et l’autonomie des Etats et collectivités locales américaines pour maintenir le cap.
Miser sur la finance privée pour les pays pauvres
Autre défi majeur pour la lutte contre le réchauffement : la contribution financière des pays riches en faveur des pays en développement. Sur ce point, Al Gore plaide pour un changement de paradigme. Plutôt que de se focaliser sur les aides publiques, difficiles à faire accepter par les opinions, il suggère de faciliter l’accès des pays pauvres aux flux bien plus conséquents de la finance privée, qui a déjà financé 85% de la “révolution verte”. Un défi pour la Banque mondiale et le FMI notamment.
Les propositions fracassantes d’Al Gore feront à n’en pas douter l’objet d’intenses débats dans les couloirs de la COP29. Mais elles révèlent aussi l’urgence d’une remise à plat de notre gouvernance climatique mondiale, pour que ces grand-messes ne soient plus des grands-messes… pour rien.