Dans un contexte de crise humanitaire grandissante, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a pris la décision controversée de soutenir la répression policière contre des centaines de mineurs illégaux piégés dans une mine d’or abandonnée à Stilfontein. Privés de vivres par les forces de sécurité dans le but de les forcer à quitter les lieux, le sort de ces hommes soulève l’indignation et suscite de vives inquiétudes quant au respect des droits humains fondamentaux.
Une Crise Humanitaire qui s’Enlise
Depuis plusieurs semaines, les forces de l’ordre encerclent la mine désaffectée, empêchant régulièrement les habitants de ravitailler les mineurs illégaux, communément appelés “zama zamas” en langue zoulou. Selon un porte-parole de la police, plus d’un millier d’entre eux seraient déjà sortis et auraient été arrêtés dans le cadre de cette opération musclée. Le président Ramaphosa n’a pas hésité à qualifier les lieux de “scène de crime”, justifiant ainsi la fermeté de la réponse policière.
Pourtant, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les risques encourus par les mineurs, dont certains pourraient souffrir de malnutrition, de déshydratation, voire mourir des suites de ces privations. La découverte récente d’un corps en décomposition dans le puits de la mine n’a fait qu’accroître les craintes d’une issue tragique.
La Police Sud-Africaine Pointée du Doigt
Face à l’ampleur de la crise, la Commission sud-africaine des droits de l’Homme a annoncé l’ouverture d’une enquête sur de potentiels décès liés à l’opération policière. Un tribunal a même ordonné samedi aux forces de l’ordre de mettre fin à toutes les restrictions autour de la mine, une décision qui semble pour l’heure ignorée sur le terrain.
Bien que le président Ramaphosa ait affirmé que la police ferait “tout ce qu’elle peut pour réduire les risques de blesser des mineurs”, les témoignages recueillis auprès de ceux qui ont réussi à s’extraire de la mine dressent un tableau alarmant de la situation. Un homme, visiblement éprouvé après deux mois passés sous terre dans des conditions insoutenables, a ainsi déclaré à l’AFP : “Il n’y a plus rien à manger, à boire”, mettant directement en cause la police dans cette situation désespérée.
Le Spectre d’une Catastrophe Sanitaire
Outre la question de l’accès à la nourriture et à l’eau, c’est aussi la santé des mineurs illégaux qui est en jeu. Selon des habitants de la région, ils seraient encore près de 4000 à être piégés dans les galeries souterraines, un chiffre que la police estime plutôt à quelques centaines. Quoi qu’il en soit, l’urgence sanitaire est réelle, comme en témoigne une note manuscrite transmise par les mineurs demandant l’envoi de médicaments antirétroviraux pour traiter ceux d’entre eux atteints du sida.
Si les antirétroviraux sont l’une des demandes (…) nous avons indiqué que cela sera fait de façon coordonnée.
– Un porte-parole de la police sud-africaine
Mais au-delà de ces déclarations, c’est la gestion globale de cette crise qui pose question. Pour le président Ramaphosa, les “zama zamas” représentent une “menace” pour “l’économie, les communautés et la sécurité personnelle” des Sud-Africains, justifiant la répression dont ils sont victimes. Il leur est notamment reproché d’être impliqués dans des “crimes graves et violents”, comme “des meurtres et des viols en réunion”, ainsi que d’être entrés illégalement sur le territoire national pour beaucoup d’entre eux.
Un Drame Humain, Reflet de Profondes Inégalités
Pourtant, derrière la rhétorique sécuritaire, c’est bien un drame humain qui est en train de se jouer à Stilfontein. Car si ces hommes risquent quotidiennement leur vie dans les galeries abandonnées des mines d’or sud-africaines, c’est avant tout pour tenter d’échapper à la misère et au chômage de masse qui gangrènent le pays. Avec un taux de sans-emplois avoisinant les 30% et des inégalités parmi les plus criantes au monde, l’Afrique du Sud peine à offrir des perspectives d’avenir à une large part de sa population, poussant les plus vulnérables à se tourner vers l’économie informelle et illégale pour survivre.
Dès lors, la répression brutale qui s’abat aujourd’hui sur les mineurs de Stilfontein apparaît comme un révélateur cruel des profondes fractures qui traversent la société sud-africaine, près de 30 ans après la fin de l’apartheid. Loin de régler le problème à la racine, elle risque au contraire d’attiser les tensions et de creuser un peu plus le fossé entre une élite politique et économique déconnectée et une population en quête désespérée de dignité et de reconnaissance.
Face à l’intransigeance du gouvernement, il y a fort à parier que le sort des “zama zamas” continuera longtemps encore d’échauffer les esprits et les consciences, en Afrique du Sud comme à l’international. Car au-delà du cas spécifique de Stilfontein, c’est bien la question de la gestion des ressources minières et de la répartition des richesses qui est posée, dans un pays qui peine toujours à se remettre des profondes blessures de son histoire.