C’est un séisme politique qui vient de secouer l’Afrique du Sud. Pour la première fois depuis la fin de l’apartheid il y a 30 ans, l’ANC, le parti historique de Nelson Mandela, a perdu sa majorité absolue au Parlement. Avec seulement 159 sièges sur 400, il se voit contraint de former une coalition gouvernementale, une situation inédite qui marque la fin d’une époque de domination sans partage et ouvre une période d’incertitude sur l’avenir politique du pays.
L’érosion inexorable du “parti de la liberté”
Depuis son accession au pouvoir en 1994, l’ANC incarnait la lutte contre l’apartheid et la promesse d’une “nation arc-en-ciel” unie et prospère. Mais les années passant, le parti s’est enlisé dans les affaires de corruption, les luttes de pouvoir et l’incapacité à réduire les profondes inégalités sociales héritées du régime raciste. Une lente érosion qui s’est accélérée ces dernières années, sur fond de chômage endémique et de crise économique.
Malgré les efforts du président Cyril Ramaphosa pour redorer le blason du parti depuis son arrivée au pouvoir en 2018, l’hémorragie de voix n’a pu être endiguée. La barre symbolique de la majorité absolue est tombée, un traumatisme pour ce mouvement de libération qui se targue d’être le seul représentant légitime du peuple sud-africain.
Une opposition morcelée mais revigorée
Si l’ANC s’affaiblit, aucune force d’opposition ne semble pour autant en mesure de le remplacer à court terme. L’Alliance démocratique (DA), principal parti d’opposition, progresse mais plafonne à 87 sièges. Le véritable trouble-fête de ce scrutin est le parti populiste de gauche radicale EFF, emmené par le charismatique et sulfureux Julius Malema. Avec 49 députés, il s’impose comme la troisième force politique du pays et un interlocuteur incontournable.
Notre présence équivaudrait à l’approbation d’une déclaration illégale des résultats des législatives.
Julius Malema, leader de l’EFF, qui conteste les résultats
Vers une nouvelle donne politique ?
Cette nouvelle donne politique oblige l’ANC à un exercice auquel il n’est guère habitué : le compromis. Le président Ramaphosa a appelé au dialogue avec les autres forces politiques afin de former un gouvernement de coalition stable, seul à même selon lui de répondre aux immenses défis économiques et sociaux du pays :
- Relancer la croissance et l’emploi
- Réduire les inégalités criantes
- Endiguer la corruption endémique
- Rétablir la confiance dans les institutions
Mais les discussions s’annoncent ardues, tant les divergences idéologiques et les ambitions personnelles sont grandes. Le risque d’une paralysie politique n’est pas à exclure, ce qui aggraverait encore la crise de défiance envers le système démocratique sud-africain, miné par l’abstention record (près de 46%).
30 ans après la fin de l’apartheid, l’Afrique du Sud se trouve à la croisée des chemins. La “nation arc-en-ciel” rêvée par Nelson Mandela reste encore un mirage pour beaucoup. Mais ce changement politique majeur est peut-être l’électrochoc nécessaire pour remettre le pays sur les rails d’un développement plus inclusif et durable. L’avenir nous le dira.