Un drame frappe à nouveau l’Afghanistan. Selon le gouvernement taliban, 46 civils, dont des femmes et des enfants, ont perdu la vie lors de frappes aériennes menées par le Pakistan dans l’est du pays. Face à ce qu’il qualifie d' »agression claire », le régime de Kaboul promet désormais des représailles.
Raids Pakistanais Meurtriers à la Frontière
D’après Zabihullah Mujahid, porte-parole des talibans, les raids ont eu lieu mardi soir dans la province de Paktika, faisant 46 morts, en majorité des enfants et des femmes, et 6 blessés. Le Pakistan affirme de son côté avoir visé des « repaires de terroristes » et nie tout dégât humain collatéral.
Une source sécuritaire pakistanaise, s’exprimant sous couvert d’anonymat, indique que les frappes, menées « par des avions et des drones », auraient tué au moins 20 combattants talibans pakistanais. Islamabad accuse en effet le régime de Kaboul d’abriter ces insurgés qui lanceraient des attaques depuis le sol afghan.
L’Afghanistan Dénonce une « Agression Barbare »
Le ministère afghan de la Défense condamne des frappes « barbares » et promet de riposter à cette « agression claire ». La diplomatie afghane a convoqué le chargé d’affaires pakistanais, fustigeant « la tentative de certains cercles pakistanais de créer de la méfiance entre les deux pays ». Kaboul prévient qu’il est « prêt à se défendre » et « n’acceptera aucune violation de son intégrité territoriale ».
Depuis le retour au pouvoir des talibans en 2021, les tensions frontalières s’enveniment entre les deux voisins. En mars, huit civils afghans avaient déjà péri dans des frappes pakistanaises, déclenchant de brefs affrontements à la frontière. Et en avril 2022, des tirs pakistanais dans l’est de l’Afghanistan avaient fait une cinquantaine de morts.
Le Pakistan Invoque des « Preuves Crédibles »
Islamabad affirme que des groupes armés comme le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), liés idéologiquement aux nouveaux maîtres de Kaboul, utilisent le territoire afghan comme base arrière pour lancer des attaques de l’autre côté de la frontière. Un rapport de l’ONU en juillet estimait à 6500 le nombre de combattants du TTP basés en Afghanistan, où ils seraient « tolérés » et « soutenus » par les talibans.
Le Pakistan a fait l’objet d’appels répétés à agir contre le TTP mais la réponse du régime taliban a été limitée.
– Un responsable sécuritaire pakistanais
Le responsable sécuritaire pakistanais prévient que les frappes « continueront si et quand nécessaire », accusant le « régime taliban de faciliter » les infiltrations à la frontière. « La patience du Pakistan s’amenuise », avertit-il, invoquant des « preuves crédibles » de la présence de « terroristes » côté afghan.
Kaboul Nie Tout Soutien aux Insurgés
Le gouvernement taliban a toujours réfuté les accusations d’abriter des groupes armés étrangers pour lancer des attaques contre ses voisins. Parmi les victimes des récentes frappes figureraient d’ailleurs, selon Zabihullah Mujahid, des réfugiés du Waziristan pakistanais ayant fui les opérations militaires lancées par Islamabad dans cette zone frontalière après 2001.
Le TTP, dans un communiqué, accuse le Pakistan de cibler « délibérément des résidences de réfugiés ». Beaucoup d’entre eux avaient trouvé asile en Afghanistan, fuyant la répression pakistanaise. Mais pour Islamabad, nombre de ces exilés ont rejoint les rangs des insurgés qui cherchent maintenant à déstabiliser le Pakistan.
Une Poudrière à Haut Risque
Dans ce contexte explosif, alors que les talibans afghans consolident leur emprise sur Kaboul en multipliant les atteintes aux droits humains, le risque d’embrasement aux confins agités des deux pays n’est pas à écarter. Malgré un même substrat idéologique, les relations s’enveniment sur fond de sanctuarisation des groupes insurgés de part et d’autre de la ligne Durand qui sépare -théoriquement- l’Afghanistan et le Pakistan.
Face à la montée des périls, les appels au dialogue semblent pour l’instant inaudibles. La région frontalière, terre de tous les trafics et de toutes les turbulences, pourrait s’embraser à nouveau si la crise actuelle n’est pas rapidement désamorcée. Les civils afghan, déjà otages d’une crise humanitaire aiguë après des décennies de guerre, risquent d’en payer le prix fort.