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Affrontements meurtriers en Colombie : l’ELN sème le chaos

Le nord de la Colombie à feu et à sang. Des affrontements entre la guérilla de l'ELN et le cartel du Clan du Golfe ont fait 9 nouvelles victimes à Montelibano, portant le bilan à plus de 30 morts en seulement deux jours dans la région frontalière avec le Venezuela. Un défi majeur pour le président Gustavo Petro qui tente de ramener la paix...

La spirale de violence qui frappe la Colombie depuis des décennies ne faiblit pas. Neuf nouvelles victimes viennent d’être dénombrées suite à de violents combats entre la guérilla de l’Armée de libération nationale (ELN) et les narcotrafiquants du Clan du Golfe dans le nord du pays, a annoncé vendredi le maire de Montelibano, Gabriel Calle.

Ces affrontements, survenus dans une zone rurale isolée, font suite à une vague meurtrière qui a endeuillé la région frontalière avec le Venezuela. En seulement deux jours, le bilan s’élève désormais à plus de 30 morts, tous tombés sous les balles des divers groupes armés qui se disputent le contrôle des routes de la drogue et des ressources naturelles.

Une région en proie au chaos

D’après une source proche du dossier, les neuf dernières victimes ont été transportées dans des sacs en plastique jusqu’à la petite ville de Montelibano. Parmi elles se trouveraient des membres présumés de l’ELN ainsi que des civils pris entre deux feux, mais leur identité n’a pas été confirmée officiellement.

Ce tragique épisode met en lumière la situation explosive qui prévaut dans cette zone reculée de Colombie, véritable poudrière où s’affrontent guérillas d’extrême-gauche, paramilitaires d’extrême-droite, cartels de la drogue et groupes armés en tous genres. Les forces de sécurité, en sous-effectif et peu équipées, peinent à maintenir l’ordre.

Les racines d’un conflit sans fin

L’ELN, dernière guérilla active de Colombie depuis la démobilisation des FARC en 2017, combat le gouvernement depuis 1964. Ses effectifs sont estimés à environ 2500 combattants, principalement déployés dans l’est du pays et à la frontière avec le Venezuela. L’organisation se finance par l’extorsion, l’exploitation illégale des ressources naturelles et la taxation des trafics.

Face à elle, le Clan du Golfe est le plus puissant cartel de narcotrafiquants colombien. Successeur des célèbres cartels de Medellín et de Cali qui dominaient jadis le marché mondial de la cocaïne, il a la mainmise sur une large portion du littoral Pacifique et entretient des liens étroits avec les groupes paramilitaires. Ses hommes de main, lourdement armés, règnent par la terreur sur les communautés locales.

Un casse-tête pour le président Petro

Pour le président de gauche Gustavo Petro, qui a fait de la paix sa priorité depuis son élection en juin 2022, ces violences incontrôlées constituent un véritable défi. Malgré ses efforts pour relancer les négociations avec l’ELN, suspendues sous le mandat de son prédécesseur Ivan Duque, la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader dans plusieurs régions.

La paix totale que j’appelle de mes vœux n’adviendra pas du jour au lendemain, c’est un processus de longue haleine qui nécessite la participation de tous. Mais nous ne lâcherons rien, car il en va de l’avenir de notre pays.

– Gustavo Petro, président de la Colombie

Les blocages sont nombreux, tant les intérêts des différentes parties prenantes semblent irréconciliables. Si l’ELN s’est dite prête à reprendre le dialogue, elle pose comme condition la libération de ses militants emprisonnés. Une ligne rouge pour le gouvernement. Quant au Clan du Golfe, son seul et unique but est de préserver ses immenses profits tirés du trafic de cocaïne.

Une population prise en étau

Au milieu de ce jeu de dupes, ce sont les populations civiles qui paient le prix fort. Prises en tenailles entre groupes armés, elles vivent dans la peur constante des représailles. Déplacements forcés, recrutements d’enfants soldats, violences sexuelles… Leur quotidien est un enfer dont il semble impossible de s’échapper.

Nous sommes fatigués de toute cette violence, de tous ces morts. Nous voulons seulement pouvoir vivre en paix, cultiver nos champs et voir nos enfants grandir sereinement. Mais les acteurs armés ne nous laissent pas le choix.

– Un habitant de la région de Montelibano

Malgré ce tableau sombre, des initiatives locales tentent de s’ériger en remparts contre la violence. Des communautés indigènes et afro-colombiennes s’organisent en « gardes civiques » pour protéger leurs territoires. Des leaders sociaux portent des projets de développement alternatif pour sortir les paysans de la dépendance aux cultures illicites. Mais la partie est loin d’être gagnée.

Un accord de paix historique en péril

Ces violences mettent également en péril l’accord de paix historique signé en 2016 avec les FARC, l’ex-guérilla marxiste devenue parti politique. De nombreux anciens combattants, déçus par l’absence de perspectives, ont repris les armes au sein de groupes dissidents. Un phénomène inquiétant qui réduit chaque jour un peu plus l’espoir d’une paix durable.

Pour enrayer cette spirale infernale, le président Petro devra jouer serré. Tout en maintenant la pression militaire sur les groupes armés récalcitrants, il doit parallèlement créer les conditions économiques et sociales favorables à une sortie du conflit. Un vaste programme de réformes agraire et fiscale est sur la table. Reste à voir s’il pourra le mener à bien, dans un contexte politique pour le moins volatil.

La Colombie est aujourd’hui à la croisée des chemins. Après près de 60 ans d’une guerre civile qui a fait plus de 9 millions de victimes, l’espoir d’une paix complète et définitive n’a jamais été aussi grand. Mais les obstacles à surmonter sont immenses. Les tragiques évènements de Montelibano nous le rappellent cruellement.

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