C’est un témoignage glaçant qui fait l’effet d’une bombe. Dans une longue enquête publiée par Libération, Inès Chatin, la fille adoptive du docteur Jean-François Lemaire, révèle avoir été victime, enfant, des sévices sexuels perpétrés par un groupe d’intellectuels parisiens, dont son père faisait partie. Des « jeux » sordides impliquant des pénétrations avec des objets, qui se déroulaient le plus souvent dans leur appartement du 7e arrondissement, au 97 rue du Bac.
Un réseau pédocriminel en plein Paris
Parmi les bourreaux présumés cités par Inès Chatin, aujourd’hui âgée de 50 ans, on retrouve des noms éminents de l’intelligentsia parisienne des années 80 : l’écrivain Gabriel Matzneff, dont la pédophilie revendiquée a déjà fait scandale, les journalistes Jean-François Revel et Claude Imbert, fondateur de l’hebdomadaire Le Point, ainsi que l’avocat François Gibault.
Vêtus de capes et de masques sombres, ces hommes se livraient à ce qu’ils appelaient des « jeux sexuels » sur Inès et d’autres enfants, en se revendiquant d’un pseudo-héritage de la pensée gréco-romaine. Un sadisme pervers qui aurait duré des années, de ses 4 à ses 13 ans.
Le calvaire d’Inès et des autres victimes
Si quiconque pleurait ou manifestait une résistance, c’est sur lui que les hommes se concentraient, insistaient.
Inès Chatin, dans Libération
Au bout de quelques années, les sévices collectifs auraient laissé place à des viols perpétrés sur Inès par Claude Imbert et Gabriel Matzneff seuls. Son frère aîné, s’il n’a pas porté plainte, a néanmoins associé sa signature aux preuves transmises à la justice par sa sœur : lettres de Matzneff, livres pédophiles, revues pornographiques sadomasochistes…
Une enquête ouverte malgré la prescription
Si une enquête préliminaire a été ouverte le 23 octobre par le parquet de Paris, les faits, remontant aux années 70-80, sont aujourd’hui prescrits. Parmi les bourreaux désignés, seuls Gabriel Matzneff, déjà mis en cause dans l’affaire Springora, et François Gibault, qui conteste les accusations, sont encore en vie. Jean-François Revel est décédé en 2006, Claude Imbert en 2016 et le Dr Lemaire en 2021.
Ce témoignage déchirant met en lumière l’existence de réseaux pédophiles au cœur même de l’élite intellectuelle parisienne, et la difficulté pour les victimes de faire entendre leur voix, des années après les faits. Une affaire sordide qui risque de faire encore parler d’elle, à l’heure où la parole se libère sur les violences sexuelles faites aux enfants.