C’est un procès qui risque de secouer le monde de l’ovalie. Depuis ce lundi, cinq anciens joueurs du FC Grenoble comparaissent devant la cour d’assises de Gironde, à Bordeaux. Ils sont accusés d’avoir violé une jeune femme de 20 ans ou d’avoir assisté à l’agression sans intervenir, à la suite d’une soirée très alcoolisée en mars 2017. Un dossier choc qui vient ternir un peu plus l’image du rugby français, déjà éclaboussé récemment par d’autres affaires d’agressions sexuelles.
Une nuit qui tourne au cauchemar
Tout commence le 11 mars 2017. L’équipe du FC Grenoble se déplace à Bordeaux pour y affronter l’Union Bordeaux Bègles. Après leur défaite, plusieurs joueurs décident d’aller noyer leur déception dans les bars et boîtes de nuit bordelais. C’est là qu’ils rencontrent V., une étudiante de 20 ans. Selon des sources proches du dossier, la jeune femme, qui a beaucoup bu, les suit dans une discothèque puis dans leur hôtel. Et c’est là que la soirée vire au drame.
Le lendemain matin, V. se réveille nue sur un lit, entourée d’hommes nus ou habillés. Elle a un trou noir, ne se souvient de rien entre la boîte de nuit et ce réveil. Son corps porte les stigmates d’une agression: des blessures et même une béquille dans le vagin. En larmes, elle quitte alors l’hôtel et va rapidement porter plainte pour viol.
Trois joueurs mis en cause, deux autres poursuivis pour non-assistance
L’enquête va mettre en cause cinq joueurs du FC Grenoble :
- Trois d’entre eux, Loïck Jammes, Denis Coulson et Rory Grice, sont accusés de viol en réunion. Ils reconnaissent des relations sexuelles avec V. mais affirment qu’elle était consentante.
- Deux autres, l’Irlandais Chris Farrell et le Néo-Zélandais Dylan Hayes, sont poursuivis pour non-assistance à personne en danger. Ils étaient présents dans la chambre au moment des faits mais n’ont pas empêché l’agression.
Les images de vidéosurveillance montrent pourtant V. titubant et se tenant difficilement debout à son arrivée à l’hôtel. Selon les expertises, son taux d’alcoolémie aurait avoisiné les 2,5 g/L au moment des faits. Pour l’accusation, son état d’ébriété ne lui permettait pas de consentir à une relation sexuelle.
Ce n’est pas parce que son alcoolisation est de son fait que cela autorise les autres à faire tout et n’importe quoi avec son corps
déclare Me Anne Cadiot-Feidt, avocate de la victime présumée
Un traumatisme pour la victime, des sportifs qui nient toute contrainte
Du côté des accusés, on assure que la jeune femme était partante pour des relations sexuelles. « Elle était très active, elle embrassait mon client en boîte, lui a fait une fellation dans le taxi, elle lui envoyait des signes disant ‘je suis ok' », argue ainsi Me Corinne Dreyfus-Schmidt, conseil de Denis Coulson. Les avocats des rugbymen plaident une relation consentie et nient toute contrainte ou violence.
Mais pour V., cette nuit a été un véritable cauchemar. Très choquée et traumatisée, elle a dû être hospitalisée après les faits. Son avocate dénonce une « situation de prédation » et estime que les sportifs auraient dû la « protéger » au vu de son état, plutôt que de « profiter d’elle ». Un témoignage poignant est attendu de la part de la victime présumée lors de ce procès.
Le rugby français de nouveau entaché par un scandale
Cette affaire est loin d’être isolée malheureusement. Plusieurs scandales ont éclaboussé le monde du rugby ces derniers mois. Parmi les exemples les plus récents :
- Les internationaux français Hugo Auradou et Oscar Jegou inculpés pour viol aggravé en Argentine
- Des soupçons d’agressions sexuelles visant des joueurs du Stade Français
- Un ancien entraîneur d’Agen condamné pour harcèlement moral
Des dérives qui ternissent sérieusement l’image de ce sport, pourtant très populaire en France. Les instances du rugby sont sommées de réagir pour endiguer ce fléau. Des campagnes de sensibilisation et de prévention sont mises en place, mais la route semble encore longue pour changer les mentalités et éradiquer ces comportements inacceptables.
Le procès des ex-rugbymen de Grenoble est donc très attendu et suivi. Il doit durer jusqu’au 13 décembre. Si les faits sont avérés, ils risquent jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle. Au-delà des aspects judiciaires, cette affaire pose la question de la responsabilité des sportifs, souvent érigés en modèles pour la jeunesse. Leur statut ne doit en aucun cas être un permis pour commettre des actes déviants.
La lumière doit être faite sur cette sombre affaire, dans l’intérêt de la victime présumée mais aussi pour l’avenir du rugby. Un sport qui doit impérativement se racheter une conduite s’il ne veut pas voir sa popularité s’effriter. Le monde de l’ovalie retient son souffle en attendant le verdict de ce procès au long cours.