C’est un crépuscule aussi sombre qu’inattendu pour celui qui régna un temps en maître sur Hollywood. Harvey Weinstein, 72 ans, producteur jadis adulé, croupit désormais derrière les barreaux de la prison de Rikers Island. Condamné pour des crimes sexuels qui ont fait trembler l’industrie du cinéma, il doit à présent faire face à un nouvel ennemi : le cancer.
D’après des révélations de NBC News et ABC News, le septuagénaire souffrirait d’une leucémie myéloïde chronique, une forme de cancer de la moelle osseuse. Une pathologie lourde qu’il devra combattre depuis sa cellule, où il purge une peine de 23 ans de réclusion pour viol et agression sexuelle.
Le diagnostic n’a été révélé que récemment, mais les signes avant-coureurs étaient déjà perceptibles en septembre dernier. Lors d’une comparution devant le tribunal de Manhattan pour une nouvelle inculpation d’agression sexuelle datant de 2006, l’ex-magnat apparaissait méconnaissable : le teint blafard, le corps affaibli, déplacé en fauteuil roulant. Quelques jours plus tôt, il avait subi une intervention chirurgicale cardiaque dont il peinait visiblement à se remettre.
Un procès qui a changé la donne à Hollywood
Mais au-delà des questions de santé, c’est surtout sous le poids des accusations que l’étau s’est resserré sur Weinstein. Depuis 2017, celui qui faisait autrefois la pluie et le beau temps sur les tapis rouges a vu plus de 80 femmes briser le silence pour l’accuser de harcèlement, d’agression sexuelle ou de viol. Parmi elles, des actrices de renom comme Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow ou Ashley Judd.
Ces révélations ont fait l’effet d’une déflagration à Hollywood, puis bien au-delà. Elles ont libéré la parole de nombreuses victimes et donné naissance au mouvement #MeToo, vague mondiale de dénonciation des violences sexuelles.
J’ai dit non, en pleurant, pendant qu’il me violait.
– Jessica Mann, actrice et témoin clé au procès
De chute en chute
Cette vague a fini par rattraper Harvey Weinstein. En 2020, après un procès très médiatisé à New York, il était condamné à 23 ans de prison pour le viol de l’actrice Jessica Mann et l’agression sexuelle d’une assistante de production, Mimi Haleyi.
L’ancien patron des studios Miramax pensait tenir sa revanche en 2023 lorsqu’une cour d’appel a cassé ce verdict. Mais ce coup d’éclat a été de courte durée. Weinstein n’a pas quitté sa cellule puisqu’il purgeait déjà, en parallèle, une peine de 16 ans de prison pour des crimes similaires à Los Angeles.
Et son horizon judiciaire ne cesse de s’assombrir. De nouvelles inculpations se sont ajoutées en septembre à New York. Et l’annulation de sa condamnation de 2020 implique en réalité un nouveau procès à Manhattan, synonyme de nouveau déballage public.
La santé de Weinstein s’effrite, pas son déni
Malgré ce tunnel d’accusations sans fin, Harvey Weinstein n’a jamais exprimé de remords. Il a fait appel de toutes ses condamnations, martelant que ses relations étaient consenties.
Cette ligne de défense semble de plus en plus intenable au regard du nombre et de la constance des témoignages à son encontre. Pourtant, même affaibli et malade, le producteur déchu s’y accroche. Comme si admettre ses torts revenait à abandonner son dernier bastion de pouvoir dans un monde qui lui a tout repris : sa réputation, sa liberté, et maintenant sa santé.
Il ne s’arrêtera jamais. C’est un prédateur en série.
– Rose McGowan, actrice et voix majeure du mouvement #MeToo
La fin d’une ère, le début d’une autre
La chute d’Harvey Weinstein symbolise la fin d’une ère à Hollywood, celle des “casting couches” et de la domination masculine sans partage. Mais elle marque aussi le début d’une nouvelle ère, portée par le courage des victimes qui ont osé parler.
Leur parole a ouvert une brèche dans laquelle s’engouffrent aujourd’hui d’autres voix, bien au-delà du monde du cinéma. Chaque jour, des femmes et des hommes brisent le silence et dénoncent les abus de pouvoir, partout où ils se trouvent.
C’est peut-être là, finalement, le plus grand héritage de l’affaire Weinstein. Au crépuscule d’un prédateur, c’est l’aube d’une nouvelle ère qui se lève, où la honte change enfin de camp.
