Imaginez grandir sans savoir d’où vous venez, sans connaître le nom de vos parents biologiques, ni même la culture qui vous a vu naître. En Suède, des milliers de personnes adoptées à l’international vivent avec ce vide, aggravé par un récent rapport qui met en lumière des décennies d’irrégularités dans ces processus. Des bébés déclarés morts par erreur, des parents manipulés, des documents falsifiés : ces révélations choquent et interrogent. Alors que le pays envisage une interdiction totale des adoptions internationales, quelles leçons tirer de ce scandale, et quel avenir pour ceux qui cherchent encore leurs racines ?
Un Rapport Accablant sur les Adoptions Internationales
Un document officiel, récemment publié, secoue la société suédoise. Commandé par le gouvernement, ce rapport met en évidence des pratiques troublantes dans les adoptions internationales depuis les années 1970. Des cas de bébés déclarés morts à tort, des parents biologiques n’ayant pas donné leur consentement éclairé, et même des falsifications de documents sont pointés du doigt. Ces révélations jettent une lumière crue sur un système qui, pendant des décennies, a privilégié l’efficacité au détriment de l’éthique.
Ce rapport ne se contente pas de dresser un constat. Il propose une mesure radicale : interdire totalement les adoptions internationales vers la Suède. Une telle décision, si elle est adoptée, marquerait un tournant historique dans un pays où environ 60 000 personnes ont été adoptées à l’étranger, principalement en provenance de Corée du Sud, d’Inde, de Colombie ou encore de Chine.
Des Irrégularités Systémiques
Le rapport met en lumière des lacunes systémiques dans la gestion des adoptions. Parmi les irrégularités identifiées, on note des documents falsifiés concernant l’identité des enfants, incluant des dates de naissance erronées ou des informations inventées sur leurs parents biologiques. Dans certains cas, des enfants ont été confiés à l’adoption par des tiers, sans l’accord des parents. Pire encore, des cas confirmés de trafic d’enfants ont été recensés, notamment en provenance du Sri Lanka, de la Colombie, de la Pologne et de la Chine, entre les années 1970 et 2000.
« Imaginez que quelqu’un supprime votre histoire. C’est une plaie ouverte. »
Lisa Gauffin Dahlin, militante pour les adoptés chiliens
Le gouvernement suédois, selon le rapport, était informé de ces dérives dès leurs débuts, mais n’a pas agi de manière décisive. Cette inaction a permis à des organisations privées, souvent motivées par des intérêts financiers, de dominer le secteur de l’adoption, au détriment des droits des enfants et des familles biologiques.
Une Identité Volée
Pour les personnes adoptées, ces révélations ravivent des blessures profondes. Beaucoup ont grandi avec un sentiment d’identité effacée, sans accès à des informations fiables sur leurs origines. Hanna Wallensteen, psychothérapeute adoptée en Éthiopie en 1971, témoigne de cette douleur :
« Comme notre identité a été effacée, nous ne pouvons pas savoir qui étaient nos parents, d’où nous venons, quelle était notre culture. »
Hanna Wallensteen, adoptée en Éthiopie
Ce manque d’information n’est pas anodin. Il s’accompagne souvent d’un discours culpabilisant : les adoptés ont souvent entendu qu’ils devaient être reconnaissants d’avoir été accueillis dans un pays prospère comme la Suède. Pourtant, comme le souligne Hanna, une vie confortable ne compense pas la perte d’identité ou les violations des droits humains subies.
Chiffres clés des adoptions internationales en Suède :
- 60 000 adoptés à l’international depuis les années 1970.
- Pays d’origine principaux : Corée du Sud, Inde, Colombie, Chine.
- 14 adoptions internationales en 2025, contre 900 en 1985.
Pourquoi une Interdiction Totale ?
La proposition d’interdire les adoptions internationales découle d’une réflexion éthique. La rapporteure spéciale, Anna Singer, insiste sur la nécessité pour l’État de reconnaître les violations des droits humains passées. Selon elle, le système suédois a trop longtemps privilégié la facilitation des adoptions, souvent au détriment des droits des enfants et des familles biologiques. Les organisations privées, qui jouaient un rôle central, avaient un intérêt financier à maximiser le nombre d’adoptions, ce qui a conduit à des dérives.
En outre, le rapport recommande que la Suède présente des excuses publiques aux personnes adoptées et à leurs familles biologiques. Cette démarche, bien que symbolique, pourrait aider à panser les blessures de ceux qui se sentent trahis par un système censé les protéger.
Les Conséquences pour les Adoptés
Une interdiction totale des adoptions internationales soulève des questions complexes. D’un côté, elle pourrait garantir une meilleure protection des droits des enfants à l’avenir. De l’autre, elle risque de limiter les opportunités pour les enfants en attente d’une famille dans des pays où les systèmes de protection sont fragiles. Pour les adoptés actuels, l’enjeu est ailleurs : ils demandent avant tout des réponses sur leurs origines et un soutien pour reconstruire leur identité.
Les témoignages des adoptés, comme celui de Lisa Gauffin Dahlin, révèlent un besoin urgent de vérité. Beaucoup souhaitent accéder à des archives fiables, mais les lacunes dans la documentation rendent cette quête difficile. Certains militent pour la création d’un organisme indépendant chargé de retracer les origines des adoptés, une démarche qui pourrait accompagner l’interdiction proposée.
Pays d’origine | Nombre d’adoptés |
---|---|
Corée du Sud | +1000 |
Inde | +1000 |
Colombie | +1000 |
Chine | +1000 |
Un Déclin Déjà Amorcé
Les adoptions internationales en Suède ont fortement diminué depuis leur pic dans les années 1980. En 1985, plus de 900 enfants étaient adoptés chaque année, contre seulement 14 depuis le début de 2025. Cette baisse s’explique par une prise de conscience progressive des problèmes éthiques, mais aussi par des réglementations plus strictes dans les pays d’origine. L’interdiction proposée pourrait donc n’être que la formalisation d’une tendance déjà en cours.
Cependant, cette évolution ne répond pas aux besoins des adoptés actuels. Pour eux, l’urgence est de combler les vides laissés par des décennies de pratiques douteuses. La création de programmes de soutien psychologique et administratif pourrait être une première étape pour accompagner ces personnes dans leur quête d’identité.
Vers une Réforme Éthique
Le scandale des adoptions internationales en Suède soulève une question fondamentale : comment concilier le désir d’offrir une famille aux enfants avec le respect absolu de leurs droits ? La proposition d’interdiction totale reflète une volonté de rompre avec un système jugé défaillant, mais elle ne résout pas tout. D’autres pays, comme les Pays-Bas, ont déjà suspendu les adoptions internationales après des enquêtes similaires. La Suède pourrait s’en inspirer, tout en mettant en place des mécanismes pour soutenir les adoptés existants.
Une réforme éthique passerait aussi par une meilleure coopération internationale. Les pays d’origine des enfants adoptés doivent être impliqués pour garantir des processus transparents et respectueux des droits humains. Cela inclut la vérification des consentements parentaux et la création de bases de données fiables pour retracer les origines des enfants.
Un Appel à la Reconnaissance
Pour les adoptés, l’interdiction des adoptions internationales ne suffira pas à panser les blessures du passé. Ils demandent une reconnaissance officielle des injustices subies, ainsi qu’un accès facilité à leurs dossiers. Certains militent pour des excuses publiques de la part de l’État, une démarche qui pourrait marquer un premier pas vers la réconciliation.
« Avoir eu une belle vie n’est pas incompatible avec le fait d’avoir été victime d’une violation des droits humains. »
Hanna Wallensteen
Ce témoignage résume l’enjeu central : reconnaître les torts sans nier les parcours individuels. Les adoptés ne rejettent pas nécessairement leur vie en Suède, mais ils exigent des réponses sur leur histoire. Cette quête de vérité est au cœur de leur combat.
Un Débat qui Dépasse les Frontières
Le cas suédois n’est pas isolé. Partout dans le monde, les adoptions internationales sont sous le feu des critiques. Des scandales similaires ont éclaté en Belgique, en Suisse et aux Pays-Bas, où des enquêtes ont révélé des pratiques douteuses. Ces affaires interrogent la responsabilité des pays d’accueil, mais aussi celle des pays d’origine, souvent confrontés à des pressions économiques et sociales.
En Suède, le débat dépasse la simple question de l’interdiction. Il touche à des thématiques universelles : l’identité, les droits humains, et la manière dont les sociétés modernes gèrent les questions d’adoption. La proposition d’interdiction pourrait inspirer d’autres nations à réévaluer leurs propres pratiques, tout en ouvrant un dialogue sur la protection des enfants à l’échelle mondiale.
Que faire pour les adoptés ?
- Créer un organisme indépendant pour retracer les origines.
- Offrir un soutien psychologique aux adoptés.
- Faciliter l’accès aux archives d’adoption.
- Reconnaître officiellement les violations passées.
Un Avenir Incertain
Alors que la Suède se trouve à un tournant, l’avenir des adoptions internationales reste flou. Une interdiction totale pourrait protéger les enfants de futures dérives, mais elle ne répond pas aux besoins des adoptés actuels. Ces derniers, souvent privés de leur histoire, continuent de se battre pour obtenir des réponses. Leur combat, porté par des voix comme celles de Lisa et Hanna, rappelle que derrière chaque adoption se cache une histoire humaine, parfois marquée par l’injustice.
Le gouvernement suédois devra trancher : opter pour une réforme radicale ou chercher des solutions intermédiaires. Quelle que soit la décision, elle aura des répercussions bien au-delà des frontières du pays. En attendant, les adoptés espèrent que leur voix sera enfin entendue, et que leur quête d’identité trouvera un écho.