C’est un drame familial d’une violence inouïe qui s’est joué à Grenoble mi-décembre. Une jeune fille roumaine de seulement 13 ans a été retrouvée en larmes et sous le choc dans une clinique de la ville, après avoir réussi à s’échapper de l’appartement où elle était retenue contre son gré. Son bourreau n’était autre que son cousin de 23 ans, à qui elle avait été promise en mariage par sa propre famille.
Un mariage forcé qui tourne au cauchemar
Selon les informations rapportées par le parquet de Grenoble, la jeune fille originaire de Cergy en région parisienne avait été enlevée au domicile familial par son cousin, accompagné de deux de ses frères. Un rapt avec la complicité des parents de l’adolescente, qui souhaitaient la marier de force à cet homme de 10 ans son aîné, dans le cadre d’un arrangement familial traditionnel.
Emmenée à Grenoble dans l’appartement des parents de son « fiancé », l’adolescente y aurait été séquestrée pendant 3 jours et violée à de multiples reprises par son cousin, rapporte-t-elle. Profitant d’un moment d’inattention, elle serait parvenue à s’enfuir par la fenêtre pour trouver refuge dans une clinique voisine, en état de choc.
Des traditions d’un autre âge
Si les mariages forcés sont heureusement interdits et réprimés par la loi française, ils persistent malheureusement dans certaines communautés, souvent issues de l’immigration. Des traditions ancestrales d’unions arrangées par les familles, où le consentement des époux, souvent très jeunes, n’est pas requis.
Un phénomène difficile à quantifier, car se déroulant dans la sphère privée et familiale, mais qui concernerait encore des centaines de jeunes filles chaque année en France, souvent mineures. Des adolescentes mariées de force, parfois à un proche parent, pour des raisons culturelles, religieuses ou économiques, au mépris de leur liberté et de leur dignité.
« C’est un phénomène qui reste très tabou et sous-estimé. Dans ces communautés, la pression familiale et sociale est énorme. Refuser un mariage forcé, c’est risquer le rejet, les violences, voire des crimes d’honneur. »
Fatima M., responsable d’une association d’aide aux femmes victimes de violences.
La difficile prévention des mariages forcés
Face à ce fléau, les pouvoirs publics tentent d’agir, notamment via des campagnes d’information dans les établissements scolaires et un accompagnement des victimes via des associations spécialisées. Mais le sujet reste méconnu et sous-doté.
- Depuis 2006, le code pénal prévoit des peines allant jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende pour quiconque tente d’imposer un mariage à autrui.
- En 2021, le gouvernement a lancé un plan triennal de lutte contre les mariages forcés, avec un numéro d’appel dédié et des mesures de protection pour les victimes.
- Des unités spécialisées ont été créées dans certains commissariats et gendarmeries pour mieux repérer et prendre en charge ces situations.
Mais ces dispositifs restent insuffisants face à un phénomène largement sous-estimé. Les victimes, souvent très jeunes et isolées, osent rarement porter plainte contre leur famille. Quant aux professionnels en contact avec ces jeunes filles (enseignants, médecins, travailleurs sociaux…), ils manquent de formation pour détecter et signaler ces situations.
Un procès pour l’exemple ?
Placé en garde à vue avec son père, son oncle et sa tante, le cousin de 23 ans a fini par reconnaître les faits de séquestration et viol sur mineure. Il a été mis en examen et écroué dans l’attente de son procès. « On peut espérer que ce dossier permettra de mettre en lumière ce phénomène des mariages forcés, encore trop méconnu et minimisé », a déclaré une source proche du dossier.
Quant à la jeune victime, elle a été prise en charge par les services sociaux et une association de protection de l’enfance. Traumatisée et coupée de sa famille, elle va devoir entamer un long travail de reconstruction. Son calvaire en rappelle malheureusement de nombreux autres, vécus dans l’ombre par des adolescentes livrées à la loi du clan. Un drame de trop qui en dit long sur la persistance de coutumes d’un autre temps.