Dans les couloirs feutrés des ministères, une atmosphère étrange règne. Les fonctionnaires, d’ordinaire si affairés, semblent errer sans but précis. Les dossiers s’empilent, les décisions restent en suspens. La raison ? Une vacance du pouvoir qui s’éternise et paralyse la machine étatique comme jamais auparavant.
Une année 2024 marquée par l’instabilité
L’année 2024 restera dans les annales par son instabilité politique inédite. Entre les remaniements ministériels à répétition, la période de réserve pré-électorale et les législatives anticipées, le gouvernement aura été entravé dans son action pendant plus de 130 jours, soit un tiers de l’année. Un record absolu sous la Vème République.
Cette valse des portefeuilles et l’absence prolongée d’exécutif opérationnel ont des conséquences bien concrètes dans les ministères. Comme le confie un habitué de Bercy :
L’ambiance est celle d’une fin de règne. Nous n’avons plus de contact, plus de son, plus d’image. On a l’impression que les services tournent en roue libre.
Des administrations en pilotage automatique
Si la gestion des affaires courantes et des urgences reste assurée tant bien que mal, l’absence de cap politique clair et d’impulsion venue d’en haut se fait cruellement sentir au quotidien. Les réformes structurelles sont à l’arrêt, les arbitrages budgétaires repoussés sine die, les nominations gelées.
Une situation ubuesque illustrée par ce témoignage d’un cadre de Bercy :
Les agents font tourner la boutique, mais sans savoir vers où on va. Les notes, les rapports s’accumulent sur des bureaux vides. On attend désespérément un pilote dans l’avion.
Le cri d’alarme des hauts fonctionnaires
Face à cette paralysie rampante, de plus en plus de voix s’élèvent au sein de la haute fonction publique pour tirer la sonnette d’alarme. Dans une tribune au vitriol publiée récemment, un collectif de hauts fonctionnaires dénonce « une dérive institutionnelle gravissime » et appelle à un « sursaut républicain ».
L’État ne peut pas fonctionner durablement en pilotage automatique, sans cap ni autorité politique légitime. C’est la continuité et la qualité du service public qui sont en jeu.
Extrait de la tribune
Un constat partagé par de nombreux observateurs qui s’inquiètent des effets délétères à long terme de cette vacance prolongée du pouvoir sur le fonctionnement régalien et la crédibilité de l’État. Instabilité chronique, décisions repoussées, réformes bloquées, moral en berne des fonctionnaires… Les signaux d’alerte se multiplient.
L’urgence d’un sursaut politique
Dans ce contexte préoccupant, l’arrivée d’un gouvernement solide et durable apparaît plus que jamais comme une priorité absolue. Mais au-delà, c’est une véritable réflexion sur les dysfonctionnements de notre système institutionnel qui s’impose.
Comment prémunir l’appareil d’État contre les aléas politiques et lui garantir une continuité d’action sur le temps long ? Quelles réformes engager pour fluidifier la prise de décision publique et restaurer l’autorité gouvernementale ? Autant de questions essentielles que le prochain exécutif devra absolument mettre sur la table.
Car une chose est sûre : on ne peut plus se permettre le luxe de laisser notre administration à la dérive pendant des mois. L’efficacité de l’action publique, la confiance des citoyens et la solidité même de notre pacte républicain sont en jeu. Le plus tôt sera le mieux.