Dans la petite ville de Daura, nichée dans le nord du Nigeria, une foule immense s’est rassemblée sous un soleil brûlant pour dire adieu à un homme qui a marqué l’histoire du pays. Muhammadu Buhari, ancien président du Nigeria, s’est éteint à 82 ans dans une clinique londonienne, laissant derrière lui un héritage aussi imposant que controversé. Ses funérailles, organisées dans un climat de haute sécurité, ont attiré des dignitaires, des proches, mais aussi des milliers de Nigérians venus honorer sa mémoire. Comment un ancien général, devenu président démocratique, a-t-il façonné le destin de la nation ?
Un Dernier Hommage à Daura
Les funérailles de Muhammadu Buhari ont transformé Daura, sa ville natale dans l’État de Katsina, en un lieu de recueillement national. Des milliers de personnes, venues de tout le pays, se sont réunies autour de sa résidence pour rendre un dernier hommage. L’émotion était palpable, mêlée de respect pour un homme qui a dirigé le Nigeria à deux reprises : d’abord comme militaire dans les années 1980, puis comme président élu de 2015 à 2023.
La cérémonie, empreinte de solennité, s’est déroulée selon les rites islamiques, reflétant les traditions profondément ancrées dans cette région du nord. La dépouille, drapée du drapeau nigérian vert et blanc, a été inhumée en fin d’après-midi dans l’enceinte de la résidence familiale. Une fanfare militaire a joué un dernier salut, tandis que des prières résonnaient dans l’air, portées par une foule compacte.
Un Dispositif Sécuritaire Imposant
Pour assurer le bon déroulement de l’événement, les autorités ont déployé un impressionnant dispositif de sécurité. Des dizaines de soldats et de policiers étaient postés aux abords de la résidence, tandis que des agents en civil surveillaient discrètement les visiteurs. Les routes menant à Daura ont été fermées, obligeant les personnes en deuil à parcourir à pied les derniers mètres pour rejoindre le lieu de la cérémonie.
« C’était le frère cadet de mon père. Je suis la nièce de Buhari, mais ils m’ont refusé l’accès pour lui rendre un dernier hommage », a déploré Fatima Isah, 78 ans, en larmes devant la maison familiale.
Cette rigueur sécuritaire, bien que nécessaire dans un contexte de tensions régionales, a suscité des frustrations. Certains proches, comme Fatima, ont été empêchés d’entrer, ajoutant une note d’amertume à l’événement. Malgré ces obstacles, l’affluence massive témoignait de l’impact de Buhari sur la société nigériane.
Une Présence de Hauts Dignitaires
La cérémonie a attiré des figures de premier plan, venues rendre hommage à l’ancien président. Le président nigérian actuel, Bola Ahmed Tinubu, était présent, aux côtés de leaders régionaux comme le président de Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló, et le Premier ministre du Niger, Ali Lamine Zeine. L’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou et l’homme d’affaires Aliko Dangote, première fortune d’Afrique, figuraient également parmi les invités.
Le corps de Buhari, rapatrié de Londres dans la matinée, a été accueilli à l’aéroport de Katsina par une garde d’honneur militaire. Vingt-et-un coups de fusil ont retenti, marquant un hommage solennel à l’ancien général. Ce moment, chargé de symbolisme, a rappelé le passé militaire de Buhari, qui a dirigé le Nigeria avec autorité dans les années 1980.
Un Héritage Politique Contrasté
Muhammadu Buhari a marqué l’histoire nigériane par ses deux périodes au pouvoir. Dans les années 1980, en tant que chef militaire, il a gouverné avec une poigne de fer, instaurant des mesures strictes pour restaurer l’ordre dans un pays en proie à la corruption et à l’instabilité. Des décennies plus tard, il s’est présenté comme un démocrate converti, remportant les élections de 2015 et 2019.
Son premier mandat démocratique a été marqué par des défis colossaux, notamment la montée en puissance du groupe jihadiste Boko Haram. Ce mouvement, responsable d’attaques meurtrières dans le nord du pays, a continué de semer la terreur sous son administration. Malgré des efforts pour renforcer la sécurité, les violences ont persisté, entachant son bilan.
Pourtant, Buhari reste une figure respectée pour beaucoup. Son retour à Daura après son départ du pouvoir en 2023 symbolisait son attachement à ses racines. Sa simplicité, souvent mise en avant, contrastait avec l’image d’un dirigeant autoritaire. Cette dualité a défini son parcours, suscitant à la fois admiration et critiques.
Une Nation en Deuil
À Daura, l’émotion était à son comble. Des jeunes hommes, perchés dans les arbres pour apercevoir les rites funéraires, témoignaient de l’ampleur de l’événement. La foule, composée de proches, d’admirateurs et de curieux, reflétait la diversité du Nigeria, un pays de plus de 200 millions d’habitants où Buhari a laissé une empreinte indélébile.
Les prières récitées sur un terrain proche de la résidence ont uni les participants dans un moment de recueillement collectif. La tradition islamique, respectée à la lettre, a ajouté une dimension spirituelle à la cérémonie, ancrant l’événement dans les valeurs du nord du Nigeria.
Les moments clés des funérailles
- Rapatriement de la dépouille depuis Londres.
- Hommage militaire à l’aéroport de Katsina avec 21 coups de fusil.
- Prières collectives à Daura avant l’inhumation.
- Inhumation selon les rites islamiques dans la résidence familiale.
- Présence de dignitaires nigérians et régionaux.
Les Défis du Nigeria Post-Buhari
Le décès de Buhari intervient à un moment où le Nigeria fait face à des défis persistants. La menace de Boko Haram reste une réalité dans le nord, tandis que l’insécurité économique et les tensions sociales pèsent sur le pays. L’actuel président, Bola Ahmed Tinubu, hérite d’un Nigeria fracturé, où les attentes envers le gouvernement sont immenses.
La cérémonie de Daura, bien que centrée sur le deuil, a également mis en lumière les divisions au sein de la société. Les restrictions d’accès imposées par les forces de l’ordre ont frustré certains, rappelant les défis d’unité nationale dans un pays aux multiples identités régionales et religieuses.
Un Hommage Populaire et Symbolique
Les funérailles de Buhari ne se résument pas à un simple adieu. Elles incarnent un moment de réflexion pour le Nigeria, un pays à la croisée des chemins. La présence de figures comme Aliko Dangote ou de leaders régionaux montre l’influence de Buhari au-delà des frontières nationales. Son parcours, d’un général autoritaire à un président élu, illustre les transformations d’un pays en quête de stabilité.
Pour beaucoup, Buhari était plus qu’un dirigeant : il était un symbole de discipline et de résilience. Ses funérailles, marquées par une ferveur populaire et une organisation militaire, ont reflété cette dualité. Alors que le Nigeria pleure son ancien président, les questions sur son héritage continuent de résonner.
Que Retenir de cet Événement ?
Les funérailles de Muhammadu Buhari à Daura ont été bien plus qu’une cérémonie d’adieu. Elles ont révélé la complexité d’un homme et d’un pays. Entre hommage solennel et tensions sécuritaires, l’événement a capturé l’essence d’un Nigeria en perpétuelle évolution. Alors que la nation tourne la page, l’héritage de Buhari continuera d’alimenter les débats sur son rôle dans l’histoire.
Dans les rues de Daura, les larmes de Fatima Isah et les prières de milliers de Nigérians rappellent une vérité universelle : les grands dirigeants, qu’ils soient adulés ou critiqués, laissent toujours une marque indélébile. Que restera-t-il de l’ère Buhari dans les années à venir ?
