Un drame familial qui soulève de profondes questions sociétales. Bernard Pallot, 78 ans, vient d’être acquitté par la cour d’assises de l’Aube après avoir été accusé d’avoir assassiné son épouse Suzanne, atteinte de graves pathologies. L’homme, qui reconnaît l’avoir étranglée avec un fil électrique, clame avoir agi « par amour » et à la demande de sa femme pour abréger ses souffrances devenues insupportables.
Ce procès très médiatisé a relancé le débat sur la législation française encadrant la fin de vie. Alors qu’un projet de loi visant à légaliser le suicide assisté était en discussion à l’Assemblée Nationale en juin dernier, son examen a été interrompu juste avant le vote en raison de la dissolution de l’Assemblée. Pour Bernard Pallot lui-même, ce procès « témoigne de l’insuffisance de la loi qui nous met dans des situations difficiles, nous les particuliers ».
Un mari désespéré face à la souffrance de sa femme
Marié depuis 1969 à Suzanne, Bernard Pallot a expliqué lors de l’enquête avoir voulu mettre fin aux souffrances « incurables » de son épouse septuagénaire, atteinte de plusieurs pathologies graves dont la maladie de Carrington, une pneumopathie chronique, et une ostéoporose avec de multiples fractures.
Selon ses déclarations, il a d’abord tenté de la tuer en lui injectant du cyanure, sans succès. C’est alors que, « dans l’improvisation » et n’ayant « pas le choix », il s’est saisi d’un morceau de fil électrique pour l’étrangler pendant une vingtaine de minutes. Un acte « un peu sauvage » de son propre aveu, mais motivé par l’amour et la volonté de respecter le souhait de Suzanne.
Des mots d’adieu et une demande écrite
D’après une source proche de l’enquête, Suzanne Pallot aurait fait ses adieux à son fils unique par téléphone le jour du drame. De plus, un mot manuscrit signé de sa main a été retrouvé près de son corps. On pouvait y lire : « Je soussignée, Pallot Suzanne, encore saine d’esprit, demande à mon mari, Bernard Pallot, de me soulager définitivement des souffrances incurables que je supporte ».
Lors de son audition, le fils du couple a déclaré que son père avait agi « par amour, par compassion » envers sa mère. Une position partagée par la défense, Me Frédéric Verra, pour qui « si l’euthanasie était légale, Bernard Pallot n’aurait pas étranglé sa femme avec un fil électrique ».
La difficile qualification des faits
Pour l’accusation en revanche, représentée par l’avocat général Mickaël Le Nouy, Bernard Pallot a agi « de façon déterminée, froide et violente » et « on ne peut pas s’arroger le droit de tuer ». Il avait requis une peine de 8 ans de prison.
La cour a finalement tranché en faveur de l’accusé, au bénéfice d’une « excuse d’irresponsabilité » liée à « la contrainte » de la situation vécue par ce retraité au casier judiciaire vierge. Tout en reconnaissant les faits, les jurés ont estimé qu’il n’avait pas eu d’autre choix face à la détresse de son épouse.
Vers une évolution de la législation sur la fin de vie ?
Au-delà du cas particulier de Bernard et Suzanne Pallot, ce procès pose la question de l’adéquation de la loi française avec les situations humaines complexes liées à la fin de vie. En l’état actuel, l’euthanasie et le suicide assisté restent prohibés, même si la loi Claeys-Leonetti de 2016 autorise la sédation profonde et continue jusqu’au décès sous certaines conditions strictes.
Mais pour de nombreux Français, cette législation ne va pas assez loin. Selon un sondage Ifop réalisé en avril 2021, 93% des personnes interrogées se disaient favorables à l’euthanasie dans le cas de maladies incurables provoquant des souffrances insupportables.
Ce drame montre encore une fois qu’on ne peut pas laisser des citoyens, souvent âgés, dans une telle détresse face à la souffrance d’un proche. Il est urgent de faire évoluer la loi pour encadrer la fin de vie de façon éthique et humaine.
Jonathan Denis, président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité
A la lumière de ce procès hors-norme, le débat sur l’euthanasie et le suicide assisté promet de refaire surface avec une acuité nouvelle dans les prochains mois. Si le cas Pallot illustre les limites de la législation actuelle, il montre aussi que l’évolution des consciences sur cette question de société majeure a encore du chemin à parcourir.