Selon des révélations explosives parues dans la presse, le géant pétrolier français TotalEnergies aurait eu connaissance dès 2021 de graves accusations d’exactions impliquant des soldats chargés de protéger son vaste site d’exploitation de gaz naturel au Mozambique. Ces allégations choquantes, qui font l’effet d’une bombe, soulèvent de sérieuses questions sur la responsabilité de la multinationale dans cette affaire aux ramifications complexes.
Des rapports internes accablants
D’après des sources proches du dossier, plusieurs rapports sociaux rédigés trimestriellement par des équipes locales de la filiale Mozambique LNG documenteraient en détail des plaintes récurrentes pour extorsions, disparitions et même des violences ayant entraîné la mort de deux pêcheurs. Ces comptes rendus auraient été transmis à une agence de crédit à l’exportation, mettant ainsi TotalEnergies face à ses responsabilités.
Exactions de la « Joint Task Force »
Au cœur de l’affaire se trouve la « Joint Task Force » (JTF), composée de forces armées mozambicaines déployées pour sécuriser les installations gazières, cibles potentielles dans une région en proie à une insurrection djihadiste. Les soldats de la JTF, qui percevaient des primes de TotalEnergies conditionnées au respect des droits humains, sont pointés du doigt dans de nombreux rapports faisant état de violations récurrentes :
- Limitation arbitraire de la liberté de mouvement des populations
- Extorsions et violences à l’encontre des civils
- Arrestations et disparitions inexpliquées
- Passage à tabac mortel de deux pêcheurs par des militaires
Depuis le 2 avril, les habitants locaux ont régulièrement fait état de violations des droits humains commises par la Joint Task Force.
Extrait d’un rapport de septembre 2021
Mesures de TotalEnergies en question
Face à ces incidents répétés, la réaction de TotalEnergies interroge. Si le groupe affirme avoir passé un accord avec l’État mozambicain prévoyant formations et mécanismes de plaintes, certains rapports évoquent des suspensions temporaires de primes au motif de possibles implications d’officiers dans les exactions. Une rupture de l’accord avec la JTF ne serait intervenue qu’en octobre 2023, après un rapport interne pointant le risque juridique.
Des zones d’ombre à éclaircir
Au-delà des faits rapportés, de nombreuses questions demeurent. Pourquoi avoir maintenu si longtemps un partenariat problématique avec la JTF malgré les signaux alarmants? Les mesures correctives annoncées étaient-elles à la hauteur des enjeux? Dans quelle mesure la direction du groupe était-elle informée de la situation? Autant de zones d’ombre qu’il conviendra d’éclaircir dans cette affaire symptomatique des défis éthiques du secteur extractif.
Un projet gazier pharaonique suspendu
Pour mémoire, les installations concernées s’inscrivent dans le cadre d’un vaste projet d’exploitation de gaz naturel liquéfié dans le nord-est du Mozambique, un investissement colossal pour TotalEnergies. Démarré en 2019, le chantier a été suspendu depuis 2021 en raison de la menace djihadiste dans la région de Cabo Delgado. Si la production doit reprendre prochainement, ce nouveau scandale vient ternir un peu plus l’image du projet.
Face à ces révélations embarrassantes, TotalEnergies se retrouve une nouvelle fois sur la sellette. Après les controverses sur son maintien en Russie ou son bras de fer fiscal avec le gouvernement français, le leader pétrolier doit désormais gérer ce dossier mozambicain explosive. Au-delà du cas d’espèce, c’est toute la problématique des multinationales face aux droits humains qui se pose avec acuité. Entre impératifs sécuritaires et responsabilité éthique, l’équation s’avère souvent délicate pour ces géants de l’énergie opérant dans des contextes sensibles.
Une chose est sûre : cette affaire est loin d’avoir livré tous ses secrets. Alors que les regards se tournent vers TotalEnergies pour obtenir des réponses, il est à parier que ce dossier brûlant alimentera encore longtemps les débats sur la responsabilité des entreprises en matière de respect des droits fondamentaux. Un sujet plus que jamais d’actualité à l’heure où les enjeux ESG s’invitent au cœur des préoccupations citoyennes et actionnariales.