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Accueil des demandeurs d’asile : la France pointée du doigt

La manière dont la France accueille les demandeurs d'asile est pointée du doigt. Derrière les "défaillances systémiques", un refus d'adopter des solutions viables ? Un constat alarmant qui soulève de nombreuses questions sur notre politique d'asile. Décryptage.

Les défaillances du système d’accueil français des demandeurs d’asile ne cessent d’être pointées du doigt. En mars dernier, la Belgique a même bloqué le transfert d’un demandeur vers la France, jugeant que ses droits fondamentaux risquaient d’y être bafoués. Un constat alarmant qui soulève une question : derrière ces “défaillances systémiques”, la France refuse-t-elle d’adopter des solutions pragmatiques ?

46 000 personnes privées d’hébergement et d’aides de base

Selon les chiffres officiels, plus de 46 000 demandeurs d’asile étaient privés au 31 mars des “conditions matérielles d’accueil” (CMA) auxquelles ils ont droit : hébergement, allocation, accès aux soins… Des conditions censées leur assurer un niveau de vie digne durant l’examen de leur demande. En 2021 déjà, la France avait été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour les traitements inhumains et dégradants subis par certains demandeurs, dormant dans la rue sans aides.

“Certaines nuits, je reste assis sur une chaise près des agents de sécurité d’un hôpital, par crainte d’être de nouveau agressé durant mon sommeil”

témoigne M.N, demandeur d’asile accompagné par l’association JRS France.

Une volonté délibérée de laisser perdurer les problèmes ?

Plus qu’une simple crise contre laquelle “on ne pourrait rien”, certains cas semblent traduire une volonté délibérée de laisser perdurer les situations problématiques. C’est le cas concernant les “dublinés”, ces demandeurs d’asile passés par un autre pays européen avant d’arriver en France.

Durant la “procédure Dublin” (jusqu’à 18 mois), la France peut demander leur transfert vers le premier pays d’entrée dans l’UE. Mais passé ce délai, elle devient responsable de leur demande. Pourtant, l’État français refuse de leur accorder tout moyen de subsistance, prétextant ne pas y être tenu en vertu du droit. Une interprétation très discutable des textes…

Des mois d’errance imposés par l’administration

Ce déni de droits peut durer des mois. Une fois les 18 mois de “procédure Dublin” écoulés, les dublinés doivent en effet attendre plusieurs semaines supplémentaires avant d’obtenir un rendez-vous en préfecture pour enregistrer leur demande d’asile. Ce n’est qu’après cela qu’ils peuvent enfin bénéficier d’un hébergement et d’une allocation.

Des mois d’errance, de dénuement et de dangers inutilement imposés, alors que rien n’empêcherait de leur accorder sans attendre des conditions de vie dignes, comme le droit l’exige. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers permet d’ailleurs d’ouvrir les droits aux CMA dès la manifestation de la volonté de demander l’asile.

Des évolutions positives mais insuffisantes

Des évolutions législatives récentes visent certes à améliorer l’accès à l’hébergement et réduire les délais d’enregistrement. Mais elles ne résolvent pas tout. Surtout, elles se heurtent souvent à des applications défaillantes et à une volonté politique et administrative déficiente.

Derrière les “défaillances systémiques”, il semble donc bien y avoir, au moins en partie, un refus d’adopter des solutions pragmatiques pour assurer des conditions d’accueil dignes à tous les demandeurs d’asile, comme l’exige pourtant le droit national et européen. Sans parler de l’impératif moral et humanitaire.

“En se focalisant sur l’aspect répressif et dissuasif, on en oublie notre devoir d’accueillir dignement ces personnes vulnérables fuyant les persécutions.”

analyse Guillaume Rossignol, directeur de l’association JRS France.

Sortir d’une approche idéologique pour des solutions viables

Il est donc urgent de sortir d’une approche purement idéologique et restrictive pour aller vers des solutions pragmatiques, humaines et respectueuses du droit. Cela passe notamment par :

  • L’ouverture plus rapide de l’accès aux conditions matérielles d’accueil
  • L’augmentation des capacités d’hébergement dédiées
  • Une meilleure application des dispositions existantes
  • Une réelle volonté politique et administrative d’assurer des conditions dignes

C’est à ce prix que la France pourra enfin se montrer à la hauteur de ses valeurs et de ses engagements en matière de droit d’asile et d’accueil. Un défi immense et complexe certes, mais qui en appelle à notre humanité et notre responsabilité. Ne pas laisser des hommes, des femmes et des enfants dans le dénuement et l’indignité au nom de considérations administratives ou idéologiques.

Derrière les chiffres et les procédures, n’oublions jamais qu’il y a des vies humaines, des parcours souvent chaotiques et douloureux. Des personnes en quête de protection, que nous nous devons d’accueillir dignement. C’est le sens même de l’asile. Et de notre humanité.

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