Le président brésilien Lula a lancé une petite bombe mercredi en déclarant que la France n’avait pas le pouvoir de bloquer l’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. Selon lui, c’est la Commission européenne qui « décide » au nom des 27 États membres. Une prise de position qui remet en question la souveraineté des pays au sein de l’UE dans les négociations de traités internationaux.
Lula s’est montré particulièrement direct : « Si les Français ne veulent pas de cet accord… ils ne décident plus de rien, c’est la Commission européenne qui décide ». Il a affirmé son intention de signer l’accord d’ici la fin de l’année avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui aurait selon lui la prérogative pour le faire.
L’Assemblée nationale française vote contre
Cette déclaration intervient juste après un vote à l’Assemblée nationale française, où les députés se sont prononcés massivement contre la signature de l’accord en l’état, par 484 voix contre 70. Bien que non contraignant, ce vote exprimait la position ferme du gouvernement français sur le sujet.
Les agriculteurs français sont vent debout contre cet accord, craignant une concurrence déloyale des produits sud-américains, en particulier brésiliens. La France, comme d’autres pays européens tels que la Pologne, s’oppose à la version actuelle de l’accord dont les contours ont été arrêtés en 2019.
Tollé autour de Carrefour
Au cœur de ce débat houleux, le groupe Carrefour s’est retrouvé pris dans la tourmente. Dans une lettre adressée la semaine dernière, le PDG Alexandre Bompard avait affirmé que la chaîne « ne vendrait aucune viande provenant du Mercosur » en France. Une annonce qui a suscité un véritable tollé au Brésil.
En réaction, des appels au boycott ont été lancés et des entreprises brésiliennes ont suspendu l’approvisionnement en viande des magasins Carrefour au Brésil, un marché crucial pour le groupe français qui y a réalisé 23% de son chiffre d’affaires l’an dernier.
Face à la polémique, Alexandre Bompard a présenté ses excuses lundi dans un courrier au ministre brésilien de l’Agriculture. Tout en louant la « haute qualité » des produits agricoles brésiliens, il a regretté la « confusion » causée par la communication de Carrefour en France.
Enjeux géopolitiques et économiques
Au-delà de cet épisode, les propos de Lula mettent en lumière les enjeux géopolitiques et économiques liés à cet accord. Ils soulèvent des questions sur le fonctionnement du Mercosur, le rôle et le pouvoir réel des institutions européennes face aux États membres dans les négociations commerciales internationales.
Ils révèlent aussi des tensions dans les relations entre la France et le Brésil, deux puissances agricoles aux intérêts divergents. Alors que la France cherche à protéger son modèle agricole, le Brésil y voit des barrières protectionnistes entravant son développement économique.
Enfin, ce différend illustre plus largement les défis auxquels sont confrontés les États nations dans un monde de plus en plus globalisé et interconnecté économiquement. Entre volonté de souveraineté et nécessité de coopération, l’équilibre est souvent difficile à trouver.
L’avenir de cet accord UE-Mercosur, et plus largement celui du libre-échange, dépendra de la capacité des différents acteurs à concilier ces enjeux complexes. Un défi de taille dans un contexte international incertain et en constante évolution.