Le secteur bancaire européen est en ébullition. Crédit Agricole, mastodonte français de la finance, vient de frapper un grand coup en annonçant sa montée à 15,1% du capital de Banco BPM, troisième groupe bancaire italien. Un partenariat stratégique aux allures de coup de poker sur l’échiquier bancaire européen.
Crédit Agricole muscle son jeu en Italie
Déjà actionnaire de Banco BPM, Crédit Agricole a décidé de passer à la vitesse supérieure. Via des instruments dérivés, la banque française s’apprête à détenir 15,1% du capital de son homologue transalpin, contre 10% auparavant. Une opération qui intervient dans un contexte particulier.
En effet, Banco BPM fait l’objet depuis peu d’une tentative de rachat par UniCredit, autre géant bancaire italien. Crédit Agricole, en renforçant sa position, cherche à peser dans ce bras de fer à trois et à ne pas se faire marginaliser. Une manœuvre osée et un signal fort envoyé au marché.
Un pied dans la botte
L’Italie représente un marché stratégique pour les banques européennes. Troisième économie de la zone euro, le pays offre encore de belles perspectives de croissance malgré une dette publique colossale. En mettant la main sur 15% de Banco BPM, Crédit Agricole s’assure un ancrage solide dans la péninsule.
Le groupe français n’en est pas à son coup d’essai outre-Alpes. Il est déjà présent via sa filiale Crédit Agricole Italia et de nombreuses participations. Mais avec Banco BPM, c’est un nouveau cap qui est franchi. La banque lombarde, née en 2017 de la fusion de deux entités régionales, pèse lourd avec ses 4 millions de clients et ses 1800 agences.
Ce partenariat avec Banco BPM est une formidable opportunité de renforcer nos positions en Italie, un pays où nous croyons fermement.
Philippe Brassac, Directeur général de Crédit Agricole
Le gouvernement italien sur ses gardes
Si l’opération est vue d’un bon œil par les marchés, elle suscite en revanche des remous au sein du gouvernement italien. Selon des sources proches du dossier, l’exécutif craindrait de voir le secteur bancaire national passer sous pavillon étranger. Une inquiétude ravivée par la récente offensive d’UniCredit sur Banco BPM.
Le gouvernement Meloni souhaiterait favoriser l’émergence d’un « troisième pôle » bancaire national autour de Banco BPM et Monte dei Paschi di Siena (MPS), la plus ancienne banque du monde dont l’État est actionnaire. Un projet qui semble compromis par l’appétit des banques étrangères, Crédit Agricole en tête.
Pas d’OPA en vue, vraiment ?
Crédit Agricole a beau affirmer qu’il n’a pas l’intention de lancer une OPA sur Banco BPM, beaucoup d’observateurs en doutent. Avec 15% du capital, la banque verte disposerait d’une minorité de blocage de fait et d’un levier important pour peser sur la gouvernance et la stratégie de sa cible.
En montant à 15%, Crédit Agricole se donne les moyens d’être incontournable dans le futur de Banco BPM. Difficile de ne pas y voir les prémices d’une prise de contrôle.
Un analyste financier milanais
Seule certitude, Crédit Agricole devra obtenir le feu vert des autorités réglementaires pour boucler son opération. Un processus qui pourrait prendre plusieurs mois, laissant le temps aux différents protagonistes d’affûter leurs armes. La bataille pour le contrôle de Banco BPM ne fait sans doute que commencer.
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