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Accord de Paix Historique Rwanda-RDC à Washington

Jeudi, Paul Kagame et Félix Tshisekedi seront à Washington pour signer un « accord historique de paix » sous les yeux de Donald Trump. Les armes se taisent-elles vraiment dans le Nord-Kivu ? Rien n’est moins sûr…

Imaginez : après trente ans de guerre, de massacres et de pillage dans l’est de la République démocratique du Congo pourrait enfin connaître la paix. Jeudi, à Washington, les présidents Paul Kagame et Félix Tshisekedi apposeront leur signature au bas d’un document présenté comme « historique ». Pourtant, sur le terrain, les combats font toujours rage. Cette contradiction apparente résume à elle seule la complexité d’un conflit qui déchire l’Afrique des Grands Lacs depuis trois décennies.

Un accord de paix signé sous les ors de la Maison Blanche

C’est officiel. La porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, l’a annoncé ce lundi : Paul Kagame et Félix Tshisekedi seront reçus jeudi par Donald Trump pour parapher l’accord de paix conclu fin juin, mais jamais pleinement appliqué. L’événement se déroulera dans un cadre symbolique fort : la capitale américaine, déjà théâtre des premières négociations.

À Kinshasa, la présidence congolaise a rapidement confirmé la présence de Félix Tshisekedi. Sa porte-parole, Tina Salama, a même précisé qu’un second texte serait signé le même jour : un accord d’intégration régionale, vieux rêve du chef de l’État congolais depuis son arrivée au pouvoir en 2019.

Du côté rwandais, le ministre des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, s’est montré plus laconique : oui, Paul Kagame sera bien présent à Washington, mais il s’est refusé à tout commentaire supplémentaire. Une prudence qui en dit long sur la fragilité du moment.

Un cessez-le-feu qui n’a jamais vraiment existé

Revenons quelques mois en arrière. Fin juin, un premier accord avait été paraphé à Washington avait suscité un immense espoir. On parlait alors de désarmement du M23, de retrait des troupes rwandaises du sol congolais, de retour des réfugiés… Très vite, la réalité a rattrapé la diplomatie.

Depuis janvier 2025, les violences se sont au contraire intensifiées. Le mouvement rebelle M23, accusé par l’ONU et Kinshasa d’être soutenu par Kigali, a pris le contrôle de Goma, puis de Bukavu, les deux capitales provinciales du Nord et du Sud-Kivu. Des centaines de milliers de nouveaux déplacés, des exactions en série, et toujours cette même accusation : le Rwanda continue d’armer et d’encadrer la rébellion.

L’armée congolaise et le M23 se renvoient sans cesse la responsabilité des violations du cessez-le-feu. Un cercle vicieux qui a poussé les deux pays, début novembre, à publier un communiqué conjoint avec les États-Unis : ils s’engageaient à « redoubler d’efforts » pour appliquer l’accord de juin. Promesse en l’air ?

Les conditions posées par Kinshasa

La porte-parole Tina Salama n’a pas mâché ses mots. Pour la RDC, signer jeudi ne signifie pas tout accepter sans condition. Trois exigences majeures ont été rappelées :

  • Le respect total de la souveraineté congolaise
  • Le retrait immédiat et vérifiable des troupes rwandaises du territoire national
  • Le rétablissement d’une confiance mutuelle durable

Autant dire que la marge de manœuvre est étroite. Car si Kigali nie officiellement toute présence militaire en RDC, de nombreux rapports internationaux – ONU, experts indépendants, ONG – continuent de documenter l’appui logistique et opérationnel apporté au M23.

Pourquoi Donald Trump s’implique-t-il autant

La présence du président américain à cette cérémonie n’est pas anodine. Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a fait de l’Afrique des Grands Lacs un dossier personnel. Plusieurs raisons à cela.

D’abord, les minerais stratégiques. Le sous-sol du Kivu regorge de coltan, de cobalt et d’or, indispensables à l’industrie technologique américaine. Une zone stabilisée garantirait un approvisionnement plus sûr et moins soumis aux circuits mafieux.

Ensuite, la lutte contre l’influence chinoise. Pékin a massivement investi dans les mines congolaises ces quinze dernières années. Un accord de paix solide ouvrirait la porte à des partenariats plus favorables aux intérêts occidentaux.

Enfin, l’image. Donald Trump veut marquer son second mandat d’une grande victoire diplomatique en Afrique, continent où son prédécesseur Joe Biden avait été critiqué pour son relatif désintérêt.

Que contient vraiment cet « accord historique » ?

Le texte lui-même reste partiellement confidentiel, mais plusieurs points majeurs ont filtré :

  1. Cessez-le-feu immédiat et vérifié par un mécanisme international
  2. Cantonnement et désarmement progressif des groupes armés, dont le M23
  3. Retrait des forces étrangères (sous-entendu rwandaises)
  4. Création d’une force régionale de paix sous égide de la Communauté d’Afrique de l’Est
  5. Reprise du dialogue politique entre Kinshasa et les groupes congolais
  6. Plan de reconstruction économique du Kivu financé en partie par les États-Unis

Sur le papier, tout semble parfait. Dans la réalité, chaque point soulève des interrogations. Qui contrôlera le cantonnement ? Comment vérifier le départ des unités rwandaises ? Et surtout : le M23 acceptera-t-il de déposer les armes sans garantie politique forte ?

Le précédent qatari et la feuille de route oubliée

Mi-novembre, un autre événement était passé presque inaperçu : à Doha, Kinshasa et le M23 avaient signé une « feuille de route » préalable à un accord direct. Ce texte, médiatisé par le Qatar, prévoyait un cessez-le-feu renforcé et des négociations politiques. Quelques jours plus tard, les combats reprenaient de plus belle.

Cet épisode illustre la difficulté à faire respecter le moindre engagement dans une région où chaque camp a intérêt à maintenir une pression militaire pour négocier en position de force.

Et maintenant ?

Jeudi, les caméras du monde entier seront braquées sur Washington. Les poignées de main seront chaleureuses, les discours empreints d’espoir. Mais dans les collines du Nord-Kivu, les kalachnikov continueront probablement à crépiter.

Car une signature, même solennelle, ne suffit pas à effacer trente ans de haine, de pillage et de trahisons. La vraie question n’est pas de savoir si l’accord sera signé – il le sera – mais s’il sera, pour une fois, appliqué.

L’histoire nous a appris à rester prudent. Mais elle nous a aussi appris qu’un jour, même les conflits les plus enracinés finissent par trouver une issue. Peut-être jeudi sera-t-il ce jour. Ou peut-être le début d’un long chemin encore semé d’embûches. Une chose est sûre : des millions de Congolais et Rwandais n’attendent plus que cela.

À retenir : Un accord de paix sera signé jeudi à Washington entre le Rwanda et la RDC en présence de Donald Trump. Les combats continuent cependant dans l’est congolais, et Kinshasa pose comme conditions le retrait des troupes rwandaises et le respect de sa souveraineté. L’espoir renaît, mais la prudence reste de mise.

(Article mis à jour en temps réel selon l’évolution de la situation)

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