C’est un tournant historique dans les relations entre le Royaume-Uni et l’Allemagne. Les deux pays s’apprêtent à signer ce mercredi un accord de défense inédit baptisé “Trinity House Agreement”. Cette alliance militaire sans précédent vise à renforcer la sécurité nationale et la croissance économique des deux nations face à l’agressivité croissante de la Russie et la multiplication des menaces hybrides.
Une coopération militaire renforcée
Selon les termes de l’accord révélés par les autorités britanniques, les forces armées des deux pays mèneront davantage d’entraînements conjoints afin de consolider le flanc oriental de l’OTAN. Des avions de patrouille maritime allemands P-8 seront déployés périodiquement sur la base écossaise de Lossiemouth pour participer à la surveillance de l’Atlantique Nord.
En parallèle, les alliés travailleront ensemble au développement de nouvelles armes de frappe à longue portée, plus performantes que les actuels missiles britanniques Storm Shadow. Une usine produisant des canons d’artillerie en acier britannique devrait également voir le jour, avec à la clé la création de plus de 400 emplois.
Un rapprochement stratégique post-Brexit
Pour le ministre britannique de la Défense John Healey, cet accord “marque un tournant dans nos relations avec l’Allemagne et renforce considérablement la sécurité de l’Europe”. Son homologue allemand Boris Pistorius y voit la preuve d’un rapprochement entre les deux pays après le Brexit et les années de gouvernement conservateur.
Au-delà de la dimension symbolique, cette alliance s’inscrit dans un contexte géopolitique particulièrement tendu. La guerre en Ukraine a révélé les velléités expansionnistes de la Russie et mis en lumière les vulnérabilités des pays d’Europe de l’Est face aux attaques hybrides.
“Nous ne devons pas considérer la sécurité en Europe comme acquise”, a averti Boris Pistorius. “La Russie fait la guerre à l’Ukraine, elle augmente considérablement sa production d’armes et a lancé à plusieurs reprises des attaques hybrides contre nos partenaires d’Europe de l’Est.”
Vers une Europe de la défense plus intégrée ?
Cet accord germano-britannique ouvre-t-il la voie à une Europe de la défense plus intégrée ? Certains experts le voient comme un premier pas important dans cette direction. Le Brexit avait fait craindre un affaiblissement durable des liens sécuritaires entre le Royaume-Uni et le continent.
Mais cette alliance démontre la volonté des Britanniques de rester un acteur clé de la défense européenne aux côtés de leurs partenaires, au premier rang desquels l’Allemagne. Un signal fort alors que les défis sécuritaires se multiplient aux portes de l’Europe.
Le “Trinity House Agreement” pourrait servir de modèle et inciter d’autres pays européens à renforcer leurs coopérations militaires bilatérales. Tout en veillant à ce qu’elles s’articulent de manière cohérente avec les actions menées dans le cadre de l’OTAN et de la Politique de Sécurité et de Défense Commune de l’UE.
Les menaces auxquelles fait face le Vieux Continent sont protéiformes et en constante évolution. Guerre conventionnelle en Ukraine, cyberattaques, campagnes de désinformation, instrumentalisation des flux migratoires… Autant de défis qui appellent une réponse coordonnée et multidimensionnelle des Européens.
Quid de l’autonomie stratégique européenne ?
Certains s’interrogent cependant sur l’impact de telles alliances sur l’autonomie stratégique européenne, un concept cher à Emmanuel Macron. Le risque serait de voir se multiplier les coopérations ad hoc entre certains États membres, en dehors du cadre de l’UE.
Une forme de “désintégration” de la défense européenne qui nuirait à terme à la cohérence et à l’efficacité de l’action de l’Union sur la scène internationale. Les Vingt-Sept devront trouver le bon équilibre entre le renforcement nécessaire des coopérations bilatérales et la préservation d’une approche commune au niveau européen.
Quoi qu’il en soit, la signature de cet accord de défense germano-britannique est un événement majeur qui fera date. Il témoigne d’une prise de conscience des Européens face aux périls qui les guettent et de leur volonté d’y faire face ensemble. Une étape cruciale vers une Europe plus forte et plus résiliente sur le plan sécuritaire.
