La Serbie est sous le choc depuis l’effondrement tragique de l’auvent de la gare de Novi Sad début novembre, qui a coûté la vie à 15 personnes. Face à la pression croissante de l’opposition et des manifestants qui réclament justice et transparence, le président serbe Aleksandar Vucic a finalement annoncé qu’il publierait tous les documents relatifs aux travaux de rénovation de la gare.
Lors d’une conférence de presse tenue mercredi, tandis que des centaines d’étudiants manifestaient devant le bâtiment, M. Vucic a déclaré : « Nous avons tout préparé : 195 documents. Toute la documentation que nous avons trouvée, tout ce dont dispose le parquet sera soumis au public à partir de 9h00 demain matin et publié en 24 heures ». Une promesse attendue par beaucoup, alors que l’opposition réclame ces documents depuis le drame.
Un pays en deuil et en colère
Le 1er novembre dernier, peu avant midi, les tonnes de béton de l’auvent de la gare de Novi Sad se sont effondrées, tuant 14 personnes sur le coup, dont des enfants. Une quinzième victime a succombé plus tard à ses blessures. Depuis, la Serbie est en émoi et des manifestations ont lieu dans tout le pays pour demander justice et transparence.
Les manifestants réclament que les responsables soient traduits rapidement en justice, que les responsables politiques démissionnent et que tous les documents liés aux travaux de rénovation, terminés quelques mois avant le drame, soient rendus publics. Le ministre de la Construction a déjà quitté ses fonctions début novembre, mais cela ne suffit pas à calmer la colère de la population.
La jeunesse serbe se mobilise
Ces derniers jours, les étudiants ont rejoint le mouvement de protestation et mercredi, plus d’un tiers des facultés du pays étaient bloquées. Comme les autres manifestants, ils voient dans cette tragédie les conséquences de la corruption qui gangrène selon eux la Serbie. D’après le classement de l’ONG Transparency International, le pays occupe la 104ème place sur 180 et connaît « un déclin démocratique ».
Les étudiants et l’opposition dénoncent également les provocations d’hommes qu’ils pensent proches du régime et qui viennent régulièrement s’en prendre aux manifestants en se faisant passer pour des passants excédés ou des automobilistes en colère. Depuis le début du mouvement, plusieurs étudiants ont été arrêtés ou blessés et des membres de l’orchestre national venu les soutenir ont même été renversés par des voitures.
La vérité éclatera-t-elle au grand jour ?
En promettant de publier l’intégralité des documents liés aux travaux de la gare de Novi Sad, le président Vucic espère « répondre à cette demande, qui est importante pour la vérité, pour les faits, pour tout ce qui doit arriver (…) pour trouver ceux qui doivent assumer la responsabilité pour les quinze personnes tragiquement décédées ». Mais beaucoup s’interrogent sur ce que ces documents révèleront réellement.
Selon une source proche du dossier, il y aurait de nombreuses zones d’ombre autour de ces travaux de rénovation, notamment concernant l’attribution des marchés publics et le respect des normes de sécurité. Certains évoquent même des malversations au plus haut niveau de l’État. Les 195 documents promis par le président serbe permettront-ils de faire toute la lumière sur cette affaire ? C’est ce qu’espèrent les familles des victimes et tous ceux qui manifestent depuis des semaines.
Dans un pays encore marqué par les guerres des années 1990 et où la confiance envers les institutions est faible, cette tragédie a ravivé les blessures et les tensions. La publication des documents est très attendue et pourrait être un tournant pour la Serbie, en permettant enfin de faire éclater la vérité et d’entamer un processus de réparation et de justice. Mais si rien de probant n’en ressort, la colère et la défiance pourraient atteindre un point de non-retour.
Les prochains jours seront donc décisifs pour le président Vucic et pour tout le pays. La Serbie retient son souffle en espérant que la transparence promise sera au rendez-vous et que les responsables de ce drame seront enfin identifiés et punis. Seule la vérité permettra d’apaiser les cœurs et de reconstruire la confiance entre les citoyens et l’État, condition sine qua non pour tourner cette page sombre et aller de l’avant.