En cette période pré-électorale, les déclarations chocs se multiplient sur le thème brûlant de l’immigration. Dernière en date, celle d’Éric Ciotti, président des Républicains, qui affirme lors du JT de France 2 le 17 juin que “chaque nuit, 52 000 lits d’hôtels sont loués pour l’immigration en Île-de-France”, pour un coût astronomique d’1,2 milliard d’euros. Face à la dette abyssale du pays, le candidat y voit une source d’économies substantielles pour l’État. Mais cette affirmation est-elle fondée ?
Une saturation des centres d’hébergement d’urgence
Partout en France, les associations font face à une saturation des centres d’hébergement d’urgence, notamment depuis la crise sanitaire. Elles ont de plus en plus recours à la location de chambres d’hôtel pour pallier le manque de places. Un pic à 75 000 nuitées hôtelières aurait même été atteint début 2021 selon un projet de loi.
Cette situation est particulièrement préoccupante en Île-de-France, région qui concentre une grande partie des arrivées de migrants. Les centres d’hébergement y sont pleins à craquer, malgré la création régulière de nouvelles places. Les associations se tournent donc massivement vers les hôtels pour mettre à l’abri les personnes en situation de grande précarité.
Un coût exorbitant pour les finances publiques ?
Si le chiffre de 52 000 nuitées avancé par Éric Ciotti semble correspondre à la réalité du terrain, la question du coût pour l’État soulève plus d’interrogations. Le montant d’1,2 milliard d’euros paraît en effet surévalué par rapport aux données disponibles.
Selon un rapport sénatorial de 2021, le coût moyen d’une nuitée hôtelière se situe plutôt autour de 25 euros, loin des 63 euros quotidiens que suggère le calcul de Ciotti. Sur cette base, la facture annuelle avoisinerait les 475 millions d’euros, ce qui reste considérable mais nettement en-deçà du milliard évoqué.
Des chiffres à prendre avec précaution
Au-delà des imprécisions sur les montants, les déclarations du président LR sont à replacer dans le contexte politique actuel. À moins d’un an des élections législatives, la tentation est grande de mobiliser sur le thème porteur de l’immigration.
En pointant du doigt le coût de l’hébergement d’urgence, Éric Ciotti cherche à se démarquer en matière de réduction des dépenses publiques. Son alliance controversée avec le Rassemblement National renforce aussi la pression sur ces sujets identitaires et sécuritaires.
Un sujet complexe qui mérite un vrai débat
S’il est indéniable que l’hébergement des migrants représente un coût important pour la collectivité, la problématique ne peut être réduite à une simple équation comptable. Elle soulève des questions humaines, éthiques et géopolitiques qui ne peuvent être éludées.
Comment concilier devoir d’accueil et maîtrise des flux migratoires ? Quelle coordination européenne mettre en place ? Quels moyens donner aux pays d’origine pour limiter les départs ? Autant d’enjeux cruciaux qui doivent faire l’objet d’un véritable débat de fond au-delà des postures.
La crise migratoire ne se règlera pas avec des formules choc, mais par une action déterminée et coordonnée au niveau national et européen.
Déclaration commune de plusieurs associations
Une chose est sûre, les déclarations à l’emporte-pièce ne feront pas disparaître le défi migratoire. Seule une analyse lucide et une volonté politique forte permettront d’y apporter des réponses pérennes, dans le respect des valeurs humanistes de la France.