Imaginez deux adolescentes, à peine sorties de l’enfance, plongées dans l’horreur d’un camp de travail nazi. Leur courage, leur résilience et, surtout, leur amitié indéfectible les ont portées à travers les années. Aujourd’hui, à 97 et 98 ans, Renée et Dédée se sont retrouvées, non pas en personne, mais à travers un écran, pour raviver des souvenirs à la fois douloureux et précieux. Leur histoire, celle de deux résistantes françaises déportées à Buchenwald en 1944, est un témoignage vibrant de la force de l’esprit humain et de la puissance des liens forgés dans l’adversité.
Une Amitié Née dans l’Ombre de la Résistance
Renée et Dédée, nées en 1927, ont grandi dans des villages français à des centaines de kilomètres l’une de l’autre. Pourtant, leurs destins se sont croisés dans un tourbillon de courage et de tragédie. À 16 ans, toutes deux issues de familles engagées dans la **Résistance française**, elles ont rejoint les réseaux clandestins de leurs villages respectifs. Leur jeunesse et leur audace en ont fait des agentes de liaison idéales, transportant messages, armes et espoirs au nez et à la barbe des occupants allemands.
Dédée, avec ses cheveux blonds et son sourire désarmant, parcourait la Sarthe à vélo, une serviette d’écolier dissimulant parfois un revolver démonté. Renée, brune et déterminée, profitait de son emploi aux postes pour faire passer des tickets de rationnement et des informations cruciales aux résistants. Leur bravoure, exercée dans l’ombre, était un défi quotidien à l’oppresseur nazi.
L’Appel du Devoir à 16 Ans
En 1943, la France est sous le joug de l’occupation allemande. Les réseaux de résistance s’organisent, et les jeunes, souvent à peine sortis de l’adolescence, jouent un rôle clé. Dédée, dans son village d’Assé-le-Boisne, transporte des messages codés et des armes légères. Son apparence innocente est son meilleur atout : qui suspecterait une adolescente souriante à vélo ?
J’avais une serviette d’écolier avec un revolver démonté à l’intérieur, et je suis passée tout sourire devant les Allemands.
Dédée, se remémorant ses missions clandestines
Renée, quant à elle, opère à Beffes, dans le Cher. Employée des postes, elle détourne des tickets de rationnement pour les résistants et transmet des informations aux Forces Françaises de l’Intérieur. Leur engagement, bien que discret, est vital pour maintenir la flamme de la résistance.
L’Arrestation : Le Tournant Tragique
Le 26 avril 1944, la vie de Dédée bascule. Alors qu’elle plie du linge chez elle, des portières de voitures claquent dans la nuit. La Gestapo est là. Avec seize autres membres de son réseau, dont son père et sa tante, elle est arrêtée. Quatre jours plus tard, Renée subit le même sort lors d’une rafle visant le maquis de Beffes. Un agent français de la Gestapo la gifle après une réplique audacieuse, marquant le début d’un calvaire.
Les deux jeunes filles se retrouvent à la prison de Romainville, près de Paris. Là, elles apprennent la nouvelle du débarquement allié en Normandie, un espoir vite douché : les Allemands ont besoin de main-d’œuvre pour leurs usines de guerre. Le 25 juin 1944, Renée et Dédée, désormais matricules 43.133 et 41.129, sont déportées au kommando HASAG-Leipzig, un camp de travail rattaché à Buchenwald.
Buchenwald : Survivre dans l’Enfer
À Leipzig, Renée et Dédée, parmi près de 5 000 femmes, sont contraintes de fabriquer des armes pour l’effort de guerre nazi. Les conditions sont inhumaines : travail de nuit exténuant, froid glacial, poux infestant leurs cheveux, passages à tabac fréquents. Elles se souviennent des corps entassés, des compagnes disparues dans les fours crématoires, et des petites résistances quotidiennes, comme fabriquer des objets en cachette.
- Travail forcé : Production d’armes sous surveillance constante.
- Conditions extrêmes : Froid, malnutrition, hygiène inexistante.
- Actes de survie : Fabrication clandestine de broches et barrettes.
Malgré l’horreur, leur amitié naît dans ces moments volés. Elles partagent des regards, des mots chuchotés, une solidarité qui devient leur bouée de sauvetage. Ces instants, bien que rares, leur permettent de tenir face à la déshumanisation.
Les Marches de la Mort : L’Épreuve Finale
En avril 1945, avec l’avancée des Alliés, les nazis évacuent le camp de Leipzig. Renée et Dédée entament alors les « marches de la mort », des déplacements forcés à travers l’Allemagne. Les pieds en sang, affamées, elles marchent sous la menace des armes. Renée se souvient d’un bain dans l’Elbe, son premier depuis des mois, et d’une balle sifflant près de son oreille lors d’un affrontement.
Ces marches, destinées à empêcher les prisonniers de tomber aux mains des Alliés, sont une ultime épreuve. Beaucoup n’y survivent pas. Pourtant, Renée et Dédée tiennent bon, portées par une volonté de fer et leur lien naissant.
La Libération : Un Retour Hésitant
Mi-avril 1945, la libération arrive enfin. Dédée retrouve sa mère à l’hôtel Lutetia, à Paris, transformé en centre d’accueil pour les déportés. Son père revient également, mais sa tante a péri gazée. Renée, elle, prend un train pour Beffes. Marquée par l’expérience, elle peine à reconnaître son village, confessant avoir eu peur des soldats français croisés en chemin.
Quand je suis arrivée, j’étais pas sûre que j’étais chez moi. Toi aussi ?
Renée, s’adressant à Dédée
Le retour à la vie normale est difficile. Les traumatismes persistent, et les souvenirs des camps restent gravés. Pourtant, Renée et Dédée ne se perdent pas de vue, même si la distance géographique les sépare bientôt.
Une Visioconférence Émouvante
En avril 2025, 80 ans après leur libération, Renée et Dédée se « retrouvent » grâce à une visioconférence. Renée, installée aux États-Unis depuis les années 1970, s’exclame avec humour : « Dédée, on est devenues de vieilles nanas ! » De France, Dédée, émue, lui répond : « Je t’embrasse bien fort, ma poulette. »
Cet échange, bien que virtuel, ravive des souvenirs intenses. Elles évoquent les horreurs du camp, mais aussi les moments de complicité qui les ont aidées à survivre. Leur conversation, ponctuée de rires et d’émotion, est une ode à leur amitié indestructible.
Moment clé : La visioconférence d’avril 2025 a permis à Renée et Dédée de renouer après des décennies, prouvant que leur lien transcende le temps et la distance.
Pourquoi Leur Histoire Résonne Aujourd’hui
L’histoire de Renée et Dédée est plus qu’un témoignage historique. Elle incarne des valeurs universelles : le courage, la solidarité et la résilience face à l’adversité. À une époque où les derniers survivants des camps s’éteignent, leurs voix rappellent l’importance de préserver la **mémoire historique**.
Leur amitié, forgée dans les moments les plus sombres, est une leçon d’humanité. Elle montre que même dans les pires circonstances, les liens humains peuvent triompher. Leur échange récent, bien que séparé par un océan, prouve que l’espoir et l’affection perdurent.
Étape de leur parcours | Détails clés |
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Engagement dans la Résistance | Agentes de liaison à 16 ans, transport de messages et armes. |
Arrestation | Avril 1944, par la Gestapo et ses collaborateurs. |
Déportation | Juin 1944, kommando HASAG-Leipzig, travail forcé. |
Libération | Avril 1945, après les marches de la mort. |
Retrouvailles | Avril 2025, par visioconférence. |
Un Héritage à Transmettre
Renée et Dédée ne sont pas seulement des survivantes ; elles sont des passeuses de mémoire. Leur histoire, transmise à travers leurs récits et leur récente conversation, est un rappel poignant des sacrifices consentis pendant la **Seconde Guerre mondiale**. À 97 et 98 ans, elles continuent d’incarner l’espoir et la force de l’amitié.
Leur échange, empreint de tendresse et d’humour, montre que même les blessures les plus profondes ne peuvent effacer les liens humains. Renée, depuis le Texas, rêve de revoir Dédée, même « à quatre pattes ». Dédée, en France, garde précieusement les souvenirs de leur jeunesse héroïque.
En partageant leur histoire, nous honorons non seulement leur courage, mais aussi celui de milliers d’autres résistants et déportés. Leur amitié, née dans l’enfer de Buchenwald, est un phare pour les générations futures, un rappel que l’humanité peut triompher des ténèbres.
« On se retrouvera peut-être là-haut », murmure Renée à Dédée, un sourire dans la voix.
Leur histoire ne s’arrête pas à cet écran qui les a réunies. Elle vit dans chaque mot qu’elles ont prononcé, dans chaque objet qu’elles ont conservé, et dans chaque cœur qu’elles touchent. Renée et Dédée, deux âmes liées par l’histoire, nous rappellent que l’amitié, même forgée dans l’horreur, peut durer toute une vie.