Dans les rues animées de Bruxelles, une silhouette imposante s’élève désormais au-dessus de la foule, captant les regards et les cœurs. Ce n’est pas un simple personnage de folklore, mais un symbole vibrant de lutte et d’espoir. Inspirée par une femme camerounaise ayant frôlé l’expulsion après des années de vie en Belgique, cette géante nommée Sabine incarne un message universel : la dignité n’a pas de papiers. Son inauguration lors d’une fête mémorable marque un tournant dans la manière dont la capitale belge célèbre à la fois son héritage culturel et son engagement pour la justice sociale.
Quand le Folklore Devient un Cri de Justice
Le folklore belge, riche en géants portés lors de cortèges festifs, est une tradition ancrée dans l’histoire. Mais à Bruxelles, cette coutume prend une nouvelle dimension avec l’arrivée de Sabine, une figure qui transcende les célébrations pour devenir une voix pour les sans-papiers. Lors de la Fête de la Dignité, organisée par une association dédiée à la compassion et à la justice, cette géante a été dévoilée sous les applaudissements d’une foule diverse, unie par un idéal commun : défendre les droits de ceux qui vivent dans l’ombre de la société.
Sabine n’est pas une création abstraite. Elle tire son nom et son essence d’une femme réelle, une coiffeuse camerounaise arrivée en Belgique il y a plus de 15 ans. Après un parcours migratoire semé d’embûches, elle a bâti une vie à Bruxelles et à Liège, ouvrant un salon de coiffure et un restaurant, employant des salariés et payant des impôts. Pourtant, malgré son intégration remarquable, elle a longtemps vécu sous la menace constante d’une expulsion, un sort partagé par des milliers d’autres en situation irrégulière.
Une Histoire d’Exil et de Résilience
Pour comprendre l’importance de cette géante, il faut plonger dans le parcours de la femme qui l’a inspirée. Née au Cameroun, elle a fui son pays après des menaces graves liées à sa proximité avec un opposant politique. Son voyage vers l’Europe fut un périple éprouvant, passant par le Liban, la Turquie et la Grèce avant d’atteindre la Belgique en 2011. À Bruxelles, elle a trouvé un refuge dans le quartier vibrant de Matongé, où elle a exercé son talent de coiffeuse, un métier qu’elle décrit comme une vocation.
“C’est une passion depuis l’enfance de tresser, un don de rendre les gens beaux.”
En 2017, elle s’installe à Liège, où elle ouvre un salon et un restaurant, employant trois personnes et contribuant activement à l’économie locale. Malgré ces accomplissements, ses multiples demandes de régularisation ont été systématiquement rejetées, la maintenant dans une précarité juridique. Cette situation, loin d’être unique, reflète les défis auxquels sont confrontés les sans-papiers en Belgique, où l’absence de statut légal limite l’accès à une vie stable.
Une Mobilisation Citoyenne Exemplaire
En octobre 2024, la vie de cette femme bascule lorsqu’elle est arrêtée sur son lieu de travail et placée dans un centre fermé pour femmes en attente d’expulsion. Cette nouvelle déclenche une vague de solidarité sans précédent. Des amis, des clients, des militants et des artistes se mobilisent pour empêcher son renvoi forcé vers le Cameroun, un pays qu’elle ne reconnaît plus après 15 ans d’absence. Une soirée de soutien est organisée dans un cinéma bruxellois, où un documentaire retraçant son parcours, Chez Jolie Coiffure, est projeté, suivi d’un débat sur les politiques migratoires.
La mobilisation ne s’arrête pas là. Des rassemblements ont lieu devant son restaurant à Liège, des collectifs de sans-papiers s’unissent, et des pétitions circulent. Cette femme, devenue un symbole de résilience, refuse de monter dans l’avion lors d’une première tentative d’expulsion, invoquant son droit de contester. Son courage galvanise ses soutiens, qui redoublent d’efforts pour faire entendre sa voix.
Chiffres clés sur les sans-papiers en Belgique :
- Environ 600 places dans les centres fermés en 2023.
- 3 383 personnes expulsées en 2023, selon l’Office des étrangers.
- Des milliers de sans-papiers vivent dans l’ombre, sans accès à des droits fondamentaux.
La Victoire d’une Communauté
Après des mois de lutte, une lueur d’espoir apparaît en janvier 2025. Grâce à une nouvelle demande d’asile déposée depuis le centre fermé, elle obtient le statut de réfugiée politique, un sésame qu’elle attendait depuis plus d’une décennie. Libérée, elle retourne à Liège, où elle retrouve son salon et son restaurant. Sa joie est palpable, mêlée d’une gratitude profonde envers ceux qui l’ont soutenue.
“J’étais en pleurs, dans tous mes états. Je suis reconnaissante, c’est un grand soulagement.”
Cette victoire n’est pas seulement personnelle. Elle met en lumière la puissance de la solidarité collective et la nécessité de repenser les politiques migratoires. En Belgique, les centres fermés, souvent comparés à des prisons par les ONG, sont au cœur des critiques pour leurs conditions de vie et leur rôle dans l’expulsion de personnes intégrées.
Sabine, une Géante pour l’Histoire
L’inauguration de la géante Sabine lors de la Fête de la Dignité en mai 2025 marque un moment historique. Organisé sur la place du Béguinage, cet événement réunit des militants, des artistes et des citoyens autour de valeurs communes : justice, égalité et dignité. La géante, intégrée à la tradition folklorique des cortèges bruxellois, ne se contente pas de défiler lors des fêtes. Elle participe aussi à des manifestations et des actions de sensibilisation, portant haut le message des sans-papiers.
Ce symbole fort s’inscrit dans une démarche plus large portée par une association basée dans l’église Saint-Jean-Baptiste au Béguinage, un lieu emblématique de résistance pour les migrants. Depuis des décennies, cet espace accueille des occupations, des expositions et des actions culturelles pour dénoncer les injustices migratoires.
Événement | Signification |
---|---|
Inauguration de Sabine | Symbole de la lutte pour la régularisation |
Fête de la Dignité | Rassemblement pour la justice sociale |
Mobilisation citoyenne | Solidarité avec les sans-papiers |
Un Message Universel
La géante Sabine ne parle pas seulement des sans-papiers. Elle incarne une réflexion plus large sur ce que signifie être humain dans une société qui érige des barrières. En Belgique, comme ailleurs, les questions migratoires divisent, mais l’histoire de Sabine rappelle que derrière chaque dossier administratif se cache une vie, des rêves et des combats. Son message, “la dignité n’a pas de papiers”, résonne comme un appel à l’empathie et à l’action.
Lors de la Fête de la Dignité, d’autres initiatives ont été mises en avant, comme la remise d’un prix à une militante pour son engagement auprès des sans-papiers. Ces gestes, bien que symboliques, renforcent l’idée qu’un changement est possible, à condition d’agir ensemble.
Quel Avenir pour les Sans-Papiers ?
Si l’histoire de Sabine s’est conclue par une note d’espoir, elle reste une exception dans un système où les régularisations sont rares. En Belgique, les sans-papiers vivent souvent dans la peur des contrôles et des expulsions, malgré leur contribution à la société. Les centres fermés, où les conditions sont régulièrement dénoncées, symbolisent une approche répressive qui contraste avec les valeurs d’accueil prônées par des initiatives comme la Fête de la Dignité.
Pour avancer, plusieurs pistes émergent des débats lancés par la géante Sabine :
- Réformer les politiques migratoires : Simplifier les processus de régularisation pour les personnes intégrées.
- Humaniser les centres fermés : Améliorer les conditions de vie et limiter leur usage.
- Encourager la solidarité : Soutenir les initiatives citoyennes et associatives.
- Valoriser les contributions : Reconnaître l’apport économique et culturel des sans-papiers.
La géante Sabine, en défilant dans les rues de Bruxelles, continuera de rappeler ces enjeux. Elle n’est pas seulement une figure de folklore, mais un catalyseur pour des discussions essentielles sur l’avenir de la migration en Europe.
Une Tradition Réinventée
En intégrant Sabine à la tradition des géants, Bruxelles réinvente son folklore pour refléter les réalités contemporaines. Cette démarche illustre comment les traditions peuvent évoluer pour devenir des outils de changement social. Lors des cortèges, Sabine ne sera pas seule : elle marchera aux côtés d’autres géants, mais avec une mission unique, celle de donner une voix à ceux que l’on n’entend pas.
La Fête de la Dignité, avec ses concerts, ses stands d’information et ses activités pour enfants, a montré qu’il est possible de rassembler autour d’un idéal. En mêlant art, culture et militantisme, cet événement a créé un espace où chacun peut réfléchir à sa place dans une société plus juste.
Un Symbole pour Demain
Alors que Sabine défile dans les rues, elle porte avec elle les espoirs de milliers de personnes en attente de reconnaissance. Son histoire, celle d’une femme qui a transformé son exil en une vie de création et de contribution, est un rappel puissant que la dignité ne se mesure pas à un bout de papier. À travers elle, Bruxelles envoie un message au monde : l’humanité et la justice doivent primer sur les frontières administratives.
La géante Sabine n’est que le début. En continuant à participer à des manifestations, des débats et des festivals, elle pourrait inspirer d’autres villes à créer des symboles similaires. Dans un monde où les migrations sont au cœur des tensions politiques, son existence est une invitation à repenser notre manière de vivre ensemble.
En regardant cette géante s’élever au-dessus de la place du Béguinage, on ne peut s’empêcher de se demander : et si la dignité, finalement, était la plus grande des traditions ?