Imaginez une école qui forme des jeunes talents du cinéma, nichée au cœur de Marseille, soudainement privée de fonds pour une raison qui n’a rien à voir avec la qualité de son enseignement. Une simple ponctuation, un point médian, a suffi à déclencher une tempête politique. À la Belle de Mai, l’école Kourtrajmé, qui ouvre les portes des métiers du cinéma à des profils variés, s’est retrouvée au centre d’une polémique inattendue : la Région a décidé de lui retirer une subvention de 75 000 euros pour avoir osé utiliser l’écriture inclusive dans ses documents. Cette décision, loin d’être anodine, soulève des questions brûlantes sur la liberté d’expression, la politique linguistique et les priorités éducatives.
Quand le Point Médian Devient un Symbole Politique
Dans un monde où chaque mot peut devenir un champ de bataille, l’écriture inclusive est devenue bien plus qu’une question de grammaire. À Marseille, l’école Kourtrajmé, qui forme environ 30 à 35 élèves par promotion aux métiers du cinéma, a appris à ses dépens que l’usage du point médian pouvait coûter cher. Le 24 avril, un courriel laconique de la Région a scellé le sort d’une subvention cruciale, invoquant une violation des règles implicites sur l’usage de la langue française. Mais derrière cette sanction, c’est tout un débat idéologique qui se profile.
Une Décision Qui Surprend et Divise
La directrice de l’école, Marie Antonelle Joubert, n’a pas caché sa stupéfaction face à cette mesure. Dans une déclaration, elle a partagé son incompréhension :
« On savait que l’écriture inclusive pouvait déranger, mais on ne pensait pas que ça irait jusqu’à une sanction. »
Marie Antonelle Joubert, directrice de Kourtrajmé Marseille
Ce n’est pas la première fois que l’écriture inclusive fait des vagues, mais cette sanction marque une escalade. L’école, située dans le quartier populaire de la Belle de Mai, s’est toujours positionnée comme un espace inclusif, cherchant à refléter la diversité de ses élèves. Le point médian, utilisé pour inclure tous les genres dans des termes comme « étudiant·e·s », était un choix symbolique, aligné sur cette mission. Pourtant, ce choix s’est transformé en ligne rouge pour les autorités régionales.
Un Contexte Politique Chargé
La décision de retirer la subvention n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans un climat politique où la langue française est devenue un terrain de lutte idéologique. Certains responsables politiques, notamment issus de courants conservateurs, voient dans l’écriture inclusive une menace à l’unité linguistique et culturelle. Cette affaire rappelle d’autres controverses récentes, où des institutions ont été pointées du doigt pour des choix similaires. Mais à Marseille, la sanction financière frappe particulièrement fort, touchant une structure qui dépend de fonds publics pour fonctionner.
Pour mieux comprendre l’impact, voici les enjeux clés de cette décision :
- Précarité financière : La perte de 75 000 euros met en péril les formations proposées par l’école.
- Signal politique : Cette sanction envoie un message clair aux autres institutions sur l’usage de l’écriture inclusive.
- Débat public : La décision a ravivé les discussions sur la place de la langue dans les politiques culturelles.
L’École Kourtrajmé : Un Projet d’Inclusion
Fondée avec la volonté de démocratiser l’accès aux métiers du cinéma, Kourtrajmé Marseille incarne un modèle d’éducation alternatif. Depuis ses locaux dans le IIIe arrondissement, elle forme des jeunes, souvent issus de milieux défavorisés, à des disciplines comme la réalisation, le scénario ou la production. Son approche, qui mêle rigueur artistique et ouverture sociale, a fait ses preuves. Mais cette sanction pourrait freiner son élan.
L’école n’a jamais cherché à provoquer. L’usage de l’écriture inclusive était avant tout un reflet de ses valeurs : promouvoir l’égalité et la diversité. En sanctionnant cet usage, la Région semble vouloir imposer une vision normative de la langue, au détriment d’une institution qui, paradoxalement, incarne les ambitions d’innovation et d’inclusion prônées par ailleurs.
Les Réactions : Entre Soutien et Critique
La décision a suscité des réactions contrastées. D’un côté, certains applaudissent la fermeté de la Région, estimant que l’écriture inclusive complique la langue et divise la société. De l’autre, des voix s’élèvent pour dénoncer une forme de censure déguisée. Sur les réseaux sociaux, des artistes et anciens élèves de Kourtrajmé ont exprimé leur solidarité, qualifiant la sanction de « chasse aux sorcières ».
Une polémique qui dépasse Marseille
Ce n’est pas seulement une affaire locale. Cette sanction pourrait inspirer d’autres régions à adopter des mesures similaires, transformant l’écriture inclusive en véritable tabou institutionnel.
Pour les défenseurs de l’école, cette affaire illustre un paradoxe : comment une institution qui promeut la créativité et l’ouverture peut-elle être punie pour un choix linguistique ? La question mérite d’être posée, surtout dans une ville comme Marseille, connue pour sa diversité et son dynamisme culturel.
Un Débat Linguistique aux Enjeux Profonds
L’écriture inclusive, souvent réduite à une querelle grammaticale, touche en réalité des questions fondamentales : qui a le droit de définir la langue ? Quels symboles sont acceptables dans l’espace public ? En France, où l’Académie Française veille jalousement sur les règles du français, l’innovation linguistique est souvent perçue avec suspicion. Pourtant, la langue a toujours évolué, intégrant des termes et des usages au fil des siècles.
Voici un aperçu des arguments des deux camps :
Pour l’écriture inclusive | Contre l’écriture inclusive |
---|---|
Promouvoir l’égalité des genres | Complexifie la lecture et l’écriture |
Refléter la diversité sociale | Perçue comme une imposition idéologique |
Enrichir la langue | Menace l’unité linguistique |
Ce tableau montre que le débat dépasse largement le cadre de l’école Kourtrajmé. Il s’agit d’une réflexion sur la manière dont la société négocie ses valeurs à travers la langue.
Quel Avenir pour Kourtrajmé Marseille ?
Pour l’heure, l’école doit composer avec un manque à gagner de 75 000 euros, une somme conséquente pour une structure de cette taille. Les responsables explorent des solutions, comme le recours à des financements privés ou des campagnes de soutien. Mais au-delà de l’aspect financier, c’est la mission même de l’école qui est questionnée. Peut-elle continuer à défendre ses valeurs dans un contexte où chaque choix, même linguistique, est politisé ?
Les élèves, eux, restent au cœur du projet. Beaucoup viennent de milieux où l’accès à la culture est limité, et Kourtrajmé représente une chance unique de percer dans l’industrie du cinéma. La sanction risque de fragiliser cet écosystème, au moment où la ville de Marseille cherche à se positionner comme un hub culturel.
Une Leçon pour l’Avenir
Cette affaire, bien que locale, résonne comme un avertissement. Elle montre à quel point des décisions administratives peuvent avoir des répercussions profondes sur des projets éducatifs et culturels. Elle invite aussi à réfléchir à la place de la langue dans nos sociétés : doit-elle être un outil d’uniformisation ou un espace de créativité ?
À Marseille, l’école Kourtrajmé continue de former ses élèves, malgré les obstacles. Mais cette polémique laisse une question en suspens : jusqu’où ira la politisation de la langue ? Une chose est sûre : le point médian, loin d’être un simple signe typographique, est devenu un symbole de résistance et de division.
Et vous, que pensez-vous de cette sanction ? La langue doit-elle évoluer avec la société, ou rester un bastion intouchable ? Partagez votre avis dans les commentaires.