Imaginez confier votre enfant à une institution en qui vous avez une confiance absolue, pour qu’il vive sa passion. Puis, un jour, tout s’effondre. Le 7 août 2024, Medhi Narjissi, jeune espoir du rugby français âgé de seulement 17 ans, disparaît en mer lors d’un stage avec l’équipe de France U18 en Afrique du Sud. Ce drame, survenu sur une plage réputée dangereuse, a secoué le monde du sport et révélé des failles profondes dans la gestion de la Fédération française de rugby (FFR). Aujourd’hui, la famille Narjissi, dévastée, pointe du doigt des responsabilités non assumées et une institution en crise. Comment une telle tragédie a-t-elle pu se produire ?
Un Drame Qui Ébranle le Rugby Français
La disparition de Medhi Narjissi n’est pas seulement une perte personnelle pour sa famille ; elle soulève des questions brûlantes sur la sécurité dans le sport, particulièrement pour les jeunes athlètes. Lors d’une séance de récupération sur la plage de Dias Beach, près du cap de Bonne-Espérance, Medhi est emporté par des vagues puissantes. Ce lieu, connu pour ses courants traîtres, n’avait rien d’un endroit sûr pour une activité encadrée. Pourtant, les jeunes joueurs y ont été conduits, sans protocole clair ni mesures de sécurité adéquates.
Ce qui rend ce drame encore plus poignant, c’est l’absence de réponses claires huit mois après les faits. La douleur de la famille Narjissi, qui attendait de la transparence et du soutien, s’est transformée en colère face à ce qu’ils décrivent comme une tentative de camouflage des responsabilités.
Un Rapport Accablant pour la Fédération
Fin avril 2025, un rapport de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) est présenté aux parents de Medhi. Ce document de 121 pages dresse un constat sans appel : des **manquements graves** ont conduit à la tragédie. Parmi les éléments mis en lumière :
- Absence de protocole : Aucune évaluation des risques n’a été réalisée avant la séance de récupération.
- Encadrement défaillant : Les responsables sur place, dont le manager Stéphane Cambos et le préparateur physique Robin Ladauge, se renvoient la balle.
- Communication chaotique : La gestion de la crise par la FFR a été qualifiée de « catastrophique », laissant la famille dans l’ignorance.
Ce rapport, fruit de mois d’investigation, a été un choc pour Jalil et Valérie Narjissi. Reçus par la ministre des Sports, Marie Barsacq, ils ont pris connaissance de ces conclusions, qui confirment leurs pires craintes : leur fils a été abandonné dans un océan déchaîné, sans supervision adéquate.
« Il était seul, abandonné, dans cet océan déchaîné. »
Avocat de la famille Narjissi
Florian Grill, un Président sous Pression
Le président de la FFR, Florian Grill, est au cœur de la tempête. Accusé par la famille de ne pas avoir assumé ses responsabilités, il est pointé du doigt pour son absence en Afrique du Sud au moment du drame et pour son silence face à la douleur des Narjissi. Dans une lettre de six pages adressée à Jalil Narjissi, Grill tente de répondre aux critiques, oscillant entre excuses et justifications.
Il admet des erreurs dans la préparation du stage, mais rejette toute responsabilité directe, affirmant qu’il dirigeait la cellule de crise depuis la France. Pour la famille, ces explications sonnent creux. Jalil Narjissi, ancien joueur professionnel, ne mâche pas ses mots :
« On lui a confié notre fils. On pensait qu’il était en sécurité. Il n’a pas pris ses responsabilités et, en plus, il a menti. »
Jalil Narjissi
La colère de la famille est d’autant plus vive que Grill aurait, selon le rapport, cherché à se protéger d’éventuelles poursuites pénales, privilégiant la sauvegarde de l’institution à une réelle assomption des erreurs.
Une Enquête Judiciaire en Cours
Parallèlement à l’enquête administrative, une information judiciaire pour **homicide involontaire** est ouverte par le parquet d’Agen. Stéphane Cambos, ancien manager de l’équipe U18, a été placé en garde à vue en avril 2025, tandis que Robin Ladauge a été entendu en audition libre. Les avocats de la famille, Mes Edouard Martial et Victor Casellas, sont catégoriques : les responsabilités ne se limitent pas aux encadrants sur place.
Ils estiment que la suppression du poste de chef de délégation, chargé de la sécurité, est une faute majeure imputable à la direction de la FFR. Ils vont plus loin, affirmant que Florian Grill lui-même pourrait être mis en examen.
« Juridiquement, ce n’est pas possible autrement. »
Me Edouard Martial
Ce combat judiciaire, porté par une famille brisée, vise à obtenir la vérité et à empêcher que de tels drames se reproduisent. Mais il met aussi en lumière une question plus large : jusqu’où va la responsabilité des fédérations sportives ?
La Sécurité des Jeunes Athlètes en Question
La disparition de Medhi Narjissi n’est pas un cas isolé. Elle rappelle d’autres tragédies dans le sport, où des failles dans l’encadrement ont conduit à des pertes irréparables. Ce drame pose des questions essentielles sur la **sécurité des jeunes athlètes**, souvent placés sous la responsabilité d’institutions censées les protéger.
Dans le cas de Medhi, plusieurs signaux d’alerte avaient été ignorés. Quelques semaines avant le stage, un message envoyé par Florian Grill au manager de l’équipe U18 mettait en garde contre tout dérapage, soulignant que cela pourrait être « mortel pour le rugby ». Pourtant, aucune mesure concrète n’a suivi.
Points clés sur la sécurité dans le sport :
- Évaluation des risques avant toute activité physique.
- Formation obligatoire des encadrants sur la gestion des dangers.
- Protocoles clairs pour les activités en milieu naturel.
- Responsabilité hiérarchique assumée àバック
- Supervision renforcée pour les mineurs.
La FFR, sous pression, a suspendu à titre conservatoire les encadrants mis en cause et promet des réformes. Mais pour la famille Narjissi, ces mesures arrivent trop tard.
Un Combat pour la Vérité et la Justice
Pour Jalil et Valérie Narjissi, la quête de justice est devenue une raison de se lever chaque matin. Leur combat dépasse la douleur personnelle : il s’agit de rendre hommage à Medhi, un jeune homme décrit comme « lumineux, généreux, passionné ». Ils refusent que sa mort soit reléguée au rang d’accident et exigent des comptes à ceux qui ont failli à leur devoir.
Leur détermination a déjà porté ses fruits : le rapport de l’IGESR a révélé des vérités douloureuses, et l’enquête judiciaire progresse. Mais la route est encore longue, et la famille sait que la justice peut être lente. Leur avocat, Me Victor Casellas, résume leur état d’esprit :
« Nous ne lâcherons rien. Pour Medhi, pour sa mémoire, pour que cela ne se reproduise plus. »
Me Victor Casellas
Vers une Réforme du Rugby Français ?
La tragédie de Medhi Narjissi pourrait marquer un tournant pour le rugby français. Les révélations du rapport et la pression médiatique ont forcé la FFR à revoir ses pratiques. Des discussions sont en cours pour rétablir le poste de chef de délégation, renforcer les formations à la sécurité et améliorer la communication en cas de crise.
Cependant, la confiance entre la fédération et les familles des jeunes joueurs est profondément entamée. Pour beaucoup, le départ de Florian Grill, perçu comme un symbole d’une gestion défaillante, est une condition sine qua non pour tourner la page.
Mesure proposée | Objectif |
---|---|
Rétablissement du chef de délégation | Supervision renforcée des stages |
Formation obligatoire à la sécurité | Prévention des risques |
Protocole de crise clair | Meilleure gestion des incidents |
Ces mesures, si elles sont mises en œuvre, pourraient redonner un semblant de sérénité aux familles. Mais elles ne ramèneront jamais Medhi.
Un Héritage pour Medhi
Medhi Narjissi était plus qu’un joueur prometteur. Il était un fils, un frère, un ami, un rêveur. Sa disparition a laissé un vide immense, mais sa famille veut transformer cette douleur en un moteur de changement. Ils rêvent d’un monde du sport où aucun parent n’aura à vivre ce qu’ils traversent.
Le Stade Toulousain, où Medhi évoluait, et le SU Agen, son club formateur, ont multiplié les hommages. Un bouclier à son effigie, des minutes de silence, des initiales sur les maillots : autant de gestes qui, s’ils ne comblent pas le vide, rappellent que Medhi n’est pas oublié.
Pour Jalil Narjissi, chaque combat est une manière de faire vivre la mémoire de son fils. « Medhi était le ciment de notre famille, » confie-t-il. En poursuivant leur quête de vérité, les Narjissi espèrent que son nom deviendra synonyme de changement, de responsabilité, et de protection pour les générations futures.
Alors que l’enquête judiciaire suit son cours, une question demeure : le rugby français saura-t-il tirer les leçons de ce drame ? La réponse, pour l’instant, reste en suspens, mais une chose est sûre : la voix de la famille Narjissi continuera de résonner, exigeant justice et vérité pour Medhi.