En Russie, la liberté d’expression artistique est plus que jamais menacée. Deux artistes, la metteuse en scène Evguénia Berkovitch et la dramaturge Svetlana Petriïtchouk, risquent jusqu’à sept ans de prison pour leur pièce de théâtre jugée “pro-terroriste” par les autorités. Un procès choc qui illustre la répression culturelle à l’œuvre dans le pays.
Une pièce sur les femmes parties rejoindre Daesh en Syrie
La pièce incriminée, intitulée “Finist, le clair faucon”, relate l’histoire de Russes recrutées sur internet par des islamistes en Syrie. Ces femmes partent les rejoindre pour les épouser. Créée en 2020, la pièce avait été saluée par la critique et récompensée. Mais pour l’accusation, elle fait l’apologie du terrorisme et “romantise les hommes terroristes”.
Des artistes engagées arrêtées
Evguénia Berkovitch et Svetlana Petriïtchouk ont été arrêtées le 5 mai 2023. Reconnue dans les milieux d’avant-garde, Berkovitch s’était publiquement prononcée contre l’offensive en Ukraine. Elle avait déjà été brièvement détenue pour avoir manifesté avec une pancarte “non à la guerre” le jour du début de l’invasion.
Dans cette pièce, il n’y a aucune justification du terrorisme.
– Svetlana Petriïtchouk, au tribunal
Un régime qui étouffe la création
Depuis le début de la guerre en Ukraine, le pouvoir russe traque toute critique. Les milieux culturels subissent une véritable épuration, sommés de se plier au discours patriotique officiel. Des dizaines d’artistes et intellectuels ont été poursuivis, contraints à l’exil ou emprisonnés.
- Fin 2023, une vingtaine de personnalités avaient appelé à la libération des deux artistes
- Avant leur procès, elles ont été inscrites sur la liste des “terroristes et extrémistes”
- Elles risquent jusqu’à 7 ans de détention dans des colonies pénitentiaires
Un procès sous haute surveillance
L’audience qui s’est ouverte lundi à Moscou est placée sous étroite surveillance. Les accusées sont apparues souriantes malgré les circonstances. Leurs proches se disent convaincus que leur avocat démontrera “l’absurdité” des charges. Après une première journée de délibérations, le procès a été ajourné jusqu’au lendemain.
Cette affaire en dit long sur le tour de vis liberticide du régime de Vladimir Poutine. Dans une Russie en pleine dérive autoritaire, oser défier le Kremlin par l’art et la culture est devenu un acte de résistance risqué. Reste à voir si le soutien international dont bénéficient Berkovitch et Petriïtchouk pèsera dans la balance.