En 1995, un retraité de 62 ans, fervent témoin de Jéhovah, disparaît sans laisser de trace, abandonnant sa voiture, ses lunettes et même sa bible annotée. Près de trente ans plus tard, son fils, Luc Onfray, un homme au passé criminel tumultueux, se retrouve au cœur d’un procès retentissant à Nice, accusé de ce meurtre présumé. Mais le 30 avril 2025, après trois heures de délibération, la cour d’assises des Alpes-Maritimes prononce un verdict inattendu : l’acquittement. Comment une affaire aussi complexe, dépourvue de preuves matérielles, a-t-elle pu captiver l’opinion publique ?
Une Affaire Enveloppée de Mystère
Luc Onfray, aujourd’hui âgé de 58 ans, n’est pas un inconnu des tribunaux. Son parcours, marqué par des braquages et un crime particulièrement sordide en 1998, fait de lui une figure controversée. Pourtant, c’est la disparition de son père, Gérard Onfray, qui soulève les interrogations les plus troublantes. En juin 1995, ce retraité énergique, connu pour son engagement religieux, s’évanouit dans la nature. Ses proches évoquent un possible départ pour prêcher à l’étranger, mais les indices laissés derrière lui racontent une autre histoire.
Sa voiture, ses vêtements, ses papiers d’identité et sa pension de retraite, touchée par son épouse jusqu’en 2009, restent intacts. Aucun signe de vie, aucun appel, aucune piste. Pendant quinze ans, l’affaire demeure un mystère, jusqu’à ce que des fouilles dans la maison familiale révèlent des traces de sang. Mais sans analyse ADN concluante, ces indices ne suffisent pas à établir un crime. Alors, que s’est-il passé ?
Un Passé Criminel au Cœur du Débat
Luc Onfray n’a jamais eu une vie ordinaire. À la fin des années 1990, il sombre dans une spirale de dépression, mêlant alcool, cannabis et médicaments. Incapable de trouver sa place, il enchaîne les échecs sentimentaux et professionnels, tout en poursuivant laborieusement un diplôme de droit. C’est dans ce contexte qu’il croise la route de Philippe Rosso, un homme charismatique qui l’entraîne dans une série de braquages qualifiés de « minables » par les enquêteurs. Mais leur collaboration ne s’arrête pas là.
« Onfray était froid comme un serpent », se souviennent les enquêteurs, évoquant une bande de « fous furieux » adeptes de gestes extrémistes.
En 1998, les deux hommes passent à un acte bien plus grave. À la demande de la compagne de Rosso, ils assassinent Michel Renard, un ancien complice, dans des circonstances macabres. Le corps est dépecé, certaines parties passées au mixeur de cuisine, un détail qui vaudra à Onfray le surnom de « meurtrier au mixeur ». Ce crime, pour lequel il est condamné à 30 ans de réclusion en 2012, devient un élément central de l’accusation dans l’affaire du parricide.
Le Témoin Fantôme et les Doutes de la Justice
L’accusation repose en grande partie sur les déclarations de Philippe Rosso. En 2004, depuis sa cellule, il écrit au parquet, affirmant qu’Onfray lui aurait confié avoir fait disparaître le corps de son père, Gérard, sans jamais être retrouvé. Cette révélation, bien que troublante, pose problème : Rosso, convoqué comme témoin en 2025, refuse de se présenter au tribunal. Dans une lettre à la cour, il déclare ne plus vouloir entendre parler de son ancien complice.
Sans ce témoignage clé, et en l’absence de preuves matérielles, l’accusation peine à convaincre. Les traces de sang retrouvées dans la maison familiale, sur un couteau de plongée et des lames de disqueuse, ne peuvent être liées à Gérard Onfray. Les jurés, après trois heures de délibération, choisissent de donner le bénéfice du doute à l’accusé. « Cet homicide n’a jamais eu lieu », martèle Onfray lors de l’audience, un homme frêle au visage marqué par les années.
Résumé des éléments clés du procès :
- Disparition : Gérard Onfray, 62 ans, s’évanouit en 1995 sans laisser de trace.
- Accusation : Luc Onfray, son fils, est soupçonné de parricide.
- Preuves : Aucune preuve matérielle, seulement des indices indirects.
- Témoin : Philippe Rosso, clé de l’accusation, se désiste.
- Verdict : Acquittement prononcé le 30 avril 2025.
Un Homme au Passé Trouble, mais Innocent ?
Le parcours de Luc Onfray est celui d’un homme brisé, manipulé par des figures comme Rosso, mais aussi capable d’actes d’une violence extrême. Lors de l’audience, il se défend avec une simplicité désarmante : « Ce que j’ai fait à Renard, je ne l’aurais jamais fait à mon père. » Ses relations avec Gérard Onfray étaient tendues, marquées par des disputes et une distance émotionnelle, mais rien, selon lui, ne justifiait un tel crime.
Pourtant, l’accusation voit dans cette disparition un tournant dans la vie criminelle d’Onfray. Selon l’avocate générale, ce parricide aurait été une « naissance », le premier pas vers une carrière de violence. Mais sans corps, sans aveux et sans témoin crédible, cette théorie reste une hypothèse. Les jurés, confrontés à un dossier qualifié de « vide » par la défense, optent pour la prudence.
Les Zones d’Ombre d’une Disparition
Que s’est-il réellement passé en juin 1995 ? Gérard Onfray a-t-il choisi de disparaître volontairement, comme certains proches l’ont suggéré ? Était-il victime d’un crime resté impuni ? Les indices matériels, bien que troublants, ne permettent pas de trancher. Les traces de sang, les outils retrouvés lors des perquisitions, et même les déclarations de Rosso ne suffisent pas à établir la vérité.
Pour les enquêteurs, l’affaire est un puzzle incomplet. Les proches de Gérard, après des recherches sommaires, ont accepté l’idée d’un départ pour des missions religieuses en Afrique ou en Amérique du Sud. Mais l’absence de contact, même après des décennies, rend cette hypothèse fragile. La justice, elle, doit se contenter des faits : sans preuve tangible, Luc Onfray reste un homme libre.
La Justice Face à l’Incertitude
Ce procès, tenu dans une salle d’audience presque vide, sans partie civile, illustre les limites du système judiciaire face à l’absence de preuves. L’acquittement d’Onfray n’est pas une déclaration d’innocence absolue, mais un constat : le doute raisonnable l’emporte. Comme le souligne son avocat, « il n’y a pas eu d’erreur judiciaire » dans ce verdict, fruit d’un dossier trop fragile pour condamner.
« Je suis ému et content que la justice ait été dans ce sens-là », déclare Luc Onfray, quittant le tribunal libre, mais toujours auréolé de mystère.
Pourtant, ce verdict laisse un goût d’inachevé. Les familles des disparus, les enquêteurs, et même l’opinion publique restent avec des questions sans réponses. La disparition de Gérard Onfray, comme tant d’autres affaires non résolues, continue de hanter les mémoires.
Un Verdict, mais Pas de Vérité
L’affaire Luc Onfray est plus qu’un simple fait divers : elle interroge notre rapport à la justice, à la vérité et à la mémoire. Comment juger un homme lorsque les preuves s’effacent avec le temps ? Comment accepter qu’un crime, s’il a eu lieu, reste impuni ? Ce procès, par son issue incertaine, met en lumière les failles d’un système qui, parfois, ne peut que reconnaître ses limites.
Luc Onfray, libre depuis 2021 après avoir purgé sa peine pour le meurtre de Renard, repart dans l’ombre. Son acquittement, bien que juridiquement juste, ne lève pas le voile sur ce qui s’est passé il y a trente ans. Pour certains, il est un coupable chanceux ; pour d’autres, un homme injustement accusé. La vérité, elle, semble s’être évanouie avec Gérard Onfray.
Événement | Date | Détail |
---|---|---|
Disparition de Gérard Onfray | Juin 1995 | Retraité, témoin de Jéhovah, disparaît sans trace. |
Meurtre de Michel Renard | Novembre 1998 | Onfray et Rosso tuent et dépecent leur complice. |
Condamnation pour braquages | 2002 | Onfray écope de 13 ans de prison. |
Condamnation pour assassinat | 2012 | 30 ans de réclusion pour le meurtre de Renard. |
Acquittement | 30 avril 2025 | Innocenté pour le meurtre présumé de son père. |
En définitive, l’affaire Luc Onfray restera comme un symbole des énigmes judiciaires. Elle nous rappelle que la justice, bien qu’essentielle, ne peut parfois qu’effleurer la vérité. Et si Gérard Onfray n’a jamais été retrouvé, son ombre continue de planer sur un fils qui, acquitté ou non, porte le poids d’un passé indélébile.