Quand Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale, il pensait y voir plus clair dans le paysage politique français en misant sur les divisions de ses adversaires. Mais ce pari risqué risque surtout de faire voler en éclats sa propre majorité, tel un château de sable balayé par la marée montante de la défiance.
Un bloc central éparpillé façon puzzle
En lançant des législatives anticipées, le président comptait profiter du vaudeville des alliances entre oppositions. Mais il a surtout mis en lumière la fragilité de son propre camp. Les poutres ont tellement bougé que l’édifice présidentiel menace ruine face au Rassemblement national d’un côté, et à la nouvelle union populaire écolo-sociale de l’autre.
L’impopularité présidentielle en héritage
Première fragilité pour la majorité sortante : les députés macronistes risquent de payer au prix fort l’impopularité de leur chef. Après 5 ans de mandat marqués par les crises et une verticalité assumée, Emmanuel Macron est devenu une figure clivante. Un boulet pour des candidats qui devront arpenter le terrain.
Les députés du camp présidentiel subissent l’impopularité et les improvisations permanentes de leur chef, qui a éparpillé le bloc central façon puzzle.
Yves Thréard, éditorialiste au Figaro
Le manque d’implantation locale
Autre talon d’Achille : le manque d’ancrage des élus En Marche dans leurs circonscriptions. Parachutés pour beaucoup en 2017 sans expérience politique ni connaissance fine des territoires, ils ont eu du mal à tisser des liens forts avec les citoyens et les élus locaux pendant leur mandat.
- En 2017, près de 400 députés de la majorité étaient novices en politique
- Seulement 44% des Français jugent qu’ils ont été proches des gens pendant leur mandat
Des candidats sommés d’improviser
Déstabilisés par la dissolution surprise, les députés macronistes vont devoir bâtir en quelques semaines une nouvelle campagne et un projet politique dans un contexte national détérioré. Entre deux allers-retours à Paris, ils ont peu de temps pour convaincre sur le terrain. L’improvisation guette, un péché mortel en politique.
La menace d’un front républicain en berne
Enfin, le réflexe du “front républicain” qui avait dopé les scores de la majorité en 2017 face au RN ne fonctionne plus. Dans une ambiance de “dégagisme”, le barrage à l’extrême droite paraît bien lézardé. Nombre d’électeurs de gauche pourraient être tentés par la Nouvelle union populaire écologiste et sociale dans une logique de vote “utile”.
Autant de vents contraires qui pourraient transformer la dissolution voulue par Emmanuel Macron en hara-kiri politique, forçant sa majorité sortante à une douloureuse traversée du désert. Le chef de l’État a beau être un as de la communication et du en-même-temps, il pourrait avoir du mal cette fois-ci à recoller les morceaux de son château de sable élyséen. La clarification n’aura peut-être pas lieu là où il l’attendait.