Imaginez un instant que l’extrême droite soit aux commandes du pays. Comment réagiraient alors les centaines de milliers de fonctionnaires chargés d’appliquer les directives gouvernementales ? C’est la question à laquelle tentent de répondre plus de 300 cadres de l’Éducation nationale, à travers une pétition qui fait grand bruit.
Une déclaration de résistance inédite
Inspecteurs, chefs d’établissement, hauts fonctionnaires… Ils sont pour l’instant un peu moins de 300 à avoir signé cette déclaration, mais leur nombre ne cesse de croître. Leur message est clair : si un gouvernement d’extrême droite venait à prendre le pouvoir, ils n’appliqueraient pas les directives ministérielles contraires aux valeurs républicaines.
Nous ne serons pas les exécuteurs d’une politique contraire aux principes qui fondent notre attachement au service public d’éducation.
Extrait de la pétition des cadres de l’Éducation nationale
Une telle prise de position de la part de hauts fonctionnaires est tout à fait inédite. Eux qui, d’ordinaire, se doivent d’appliquer loyalement les consignes, quelles que soient leurs convictions personnelles et la couleur politique du gouvernement. Mais pour ces signataires, il y a des limites à ne pas franchir.
Les valeurs républicaines en jeu
Au cœur de leur argumentaire : la défense de l’École républicaine et de ses principes fondateurs. Liberté, égalité, fraternité, laïcité… Autant de valeurs qu’ils jugent incompatibles avec l’idéologie prônée par l’extrême droite. Appliquée à l’Éducation, celle-ci pourrait se traduire par :
- Une remise en cause de la mixité et de l’égalité filles-garçons
- Des atteintes à la laïcité et à la neutralité du service public
- Des discriminations envers certains élèves et enseignants
- Une vision révisionniste des programmes d’histoire
Autant de dérives auxquelles ces cadres de l’Éducation nationale se disent prêts à s’opposer, quitte à entrer en désobéissance. Un choix fort, qui en dit long sur leur attachement à l’École de la République.
Le devoir de réserve en question
Mais cette pétition pose aussi la question des limites du devoir de réserve et de l’obéissance hiérarchique auxquels sont tenus les fonctionnaires. Peuvent-ils vraiment choisir, en leur âme et conscience, de ne pas appliquer des directives légales mais qu’ils jugeraient contraires à l’éthique ?
Le débat n’est pas nouveau. En 2018 déjà, le cas de fonctionnaires américains refusant d’appliquer certains décrets anti-immigration de Donald Trump avait fait couler beaucoup d’encre. Tout comme celui des maires qui avaient choisi d’outrepasser la loi pour célébrer des mariages homosexuels.
Quand la loi devient injuste, la résistance devient un devoir.
Thomas Jefferson
Cette citation prend ici tout son sens. En s’engageant d’ores et déjà à désobéir si la situation l’exige, les signataires de la pétition affirment la primauté des principes républicains sur le respect aveugle des instructions. Une prise de position courageuse, qui montre que leur loyauté va avant tout à l’institution scolaire et à ses valeurs.
Et maintenant ?
Difficile de prédire l’impact qu’aura cette pétition si l’hypothèse redoutée d’une victoire de l’extrême droite devait se produire. Nul doute qu’un bras de fer s’engagerait entre le gouvernement et les fonctionnaires rebelles, avec de possibles sanctions à la clé. Mais ce texte a le mérite de poser publiquement la question des limites de l’obéissance, et de la responsabilité éthique des serviteurs de l’État.
Une chose est sûre : le débat est loin d’être clos. Et il en dit long sur les inquiétudes que suscite la possibilité d’une prise de pouvoir par les extrêmes. Espérons simplement que, quel que soit le résultat des urnes, l’École continue de jouer pleinement son rôle de pilier de notre démocratie.