Alors que la France se prépare à un second tour crucial des élections législatives, un mouvement inédit se dessine sur internet. Baptisé le “Stream Populaire”, il réunit pas moins de 200 créateurs de contenus, influenceurs et personnalités web de tous horizons. Leur objectif commun ? Appeler leurs communautés à se mobiliser massivement dans les urnes le 30 juin prochain, pour faire barrage à l’extrême droite.
L’union des créateurs face à un “péril imminent”
Initié par Cassim Montilla en partenariat avec le collectif SEED (Le Stream Emmerde l’Extrême Droite), le Stream Populaire regroupe des figures emblématiques du web français comme Antoine Daniel, Manon Bril, Usul ou encore Nota Bene. Des profils variés, mais un constat partagé : face à la menace grandissante de l’extrême droite, “l’heure n’est plus à la neutralité”. Dans une tribune publiée sur Mediapart, ils affirment :
Notre public est comme nous : divers, de toutes les classes sociales, souvent LGBTI+, racisé, en situation de handicap. La portée de notre parole collective nous oblige.
Pour ces créateurs, les élections du 30 juin sont cruciales. Si les sondages se confirment, l’extrême droite pourrait en effet obtenir une majorité absolue à l’Assemblée et accéder au pouvoir pour la première fois sous la Ve République. Une perspective alarmante qui pousse ces personnalités du web à sortir de leur réserve habituelle.
Un programme d’actions jusqu’au 30 juin
Loin de se limiter à un simple appel aux urnes, le Stream Populaire entend bien mobiliser concrètement leurs communautés. Du 17 au 28 juin, une série d’événements sera ainsi organisée, visant en particulier les créateurs actifs sur Twitch :
- Des streams “Get Out The Vote” pour inciter les spectateurs à s’inscrire sur les listes électorales et aller voter.
- Des tables-rondes et débats sur les enjeux des élections et les dangers de l’extrême droite.
- Des créations de contenus engagés sur YouTube, TikTok ou Instagram.
L’objectif est clair : convaincre le plus grand nombre, en particulier les jeunes et les abstentionnistes, de glisser dans l’urne le bulletin du Nouveau Front Populaire, la coalition de gauche opposée au RN et ses alliés. Une prise de position politique assumée, justifiée par l’urgence de la situation.
Un “devoir” envers leur public
Pour les membres du Stream Populaire, cet engagement est dicté par la responsabilité qu’ils ont envers leur audience. Dans leur tribune, ils rappellent que les cibles prioritaires de l’extrême droite – femmes, LGBTI+, personnes racisées, musulmans, juifs – correspondent largement au profil de leur public.
En appelant à faire barrage dans les urnes, ces créateurs entendent donc protéger leurs communautés, mais aussi défendre un modèle de société progressiste et inclusif. Une démarche militante portée par l’urgence du moment, comme l’explique le YouTubeur Usul :
Il faut le dire sans détour : notre démocratie, nos libertés, nos droits sont en danger. L’extrême droite n’a jamais été aussi proche du pouvoir. On ne peut plus se permettre d’être neutres ou apolitiques.
– Usul, créateur YouTube et signataire de la tribune
Un rôle politique croissant pour les influenceurs ?
Au-delà de l’enjeu des législatives, l’initiative du Stream Populaire interroge sur la place grandissante des créateurs de contenus dans le débat politique. Avec des audiences souvent colossales, en particulier chez les jeunes, les influenceurs web apparaissent de plus en plus comme des prescripteurs d’opinion incontournables.
Une tendance accentuée par la crise démocratique et la défiance envers les médias traditionnels. Face au recul des corps intermédiaires, beaucoup se tournent désormais vers leurs créateurs favoris pour s’informer et forger leur opinion. Une évolution qui confère aux stars du web une responsabilité croissante, selon Manon Bril :
Qu’on le veuille ou non, nous avons une influence sur le débat public. Il est temps qu’on en prenne la mesure, et qu’on l’utilise à bon escient, pour défendre nos valeurs.
– Manon Bril, créatrice YouTube et signataire de la tribune
Reste à voir si cet engagement portera ses fruits dans les urnes. Une chose est sûre : en appelant leur public à se mobiliser, les 200 signataires du Stream Populaire ouvrent un nouveau chapitre dans les relations entre politique et créateurs de contenus. Un précédent qui pourrait faire date.