C’est une véritable tragédie qui s’est déroulée ce dimanche 16 juin lors du grand pèlerinage musulman à La Mecque, en Arabie saoudite. Alors que plus de 1,8 million de fidèles accomplissaient le rituel de la lapidation de Satan dans la vallée de Mina, marquant ainsi le premier jour de l’Aïd al-Adha, une chaleur accablante a eu raison de nombreux pèlerins. Au moins 14 Jordaniens et 5 Iraniens ont perdu la vie, terrassés par des températures dépassant les 46°C.
Un hajj sous le signe de la fournaise
Cette année, le hajj s’est déroulé en plein été, dans l’une des régions les plus chaudes au monde. Malgré les mises en garde des autorités saoudiennes, de nombreux pèlerins n’étaient pas préparés à affronter une telle canicule. Dès l’aube, les fidèles se sont rués vers les stèles symbolisant le diable à Mina, déterminés à accomplir ce rituel essentiel. Mais beaucoup ont vite déchanté face à la fournaise qui les attendait.
Ahmed Alsayed Omran, un retraité égyptien de 70 ans, témoigne de la difficulté de ce hajj :
“C’est très difficile, nous ne trouvons pas de transports, je n’arrive plus à me lever”
raconte-t-il, assis à même le trottoir, épuisé par la chaleur.
Tout au long de la journée, les secouristes ont dû prendre en charge des centaines de pèlerins victimes de malaises et de coups de chaleur. Les hôpitaux de campagne installés sur place étaient submergés, et les autorités craignent que le bilan ne s’alourdisse dans les prochains jours.
Une expérience spirituelle intense mais éprouvante
Malgré ces conditions extrêmes, de nombreux pèlerins ont tenu à aller jusqu’au bout de ce hajj, l’un des cinq piliers de l’islam. Pour Neron Khan, une Canadienne de 49 ans, cette expérience restera à jamais gravée dans sa mémoire :
“L’expérience, dans l’ensemble, était physiquement épuisante. Mais très chargée spirituellement. Le fait de voir tellement de personnes différentes venir ici pour le même objectif est tout simplement phénoménal.”
confie-t-elle, encore émue.
La veille, les pèlerins s’étaient rassemblés sur le mont Arafat, lieu saint où le prophète Mahomet aurait prononcé son dernier sermon. Un moment de grande ferveur, malgré la chaleur étouffante. Ensuite, ils ont passé la nuit à la belle étoile dans la plaine de Mouzdalifa, avant le rituel de la lapidation.
Le spectre de la guerre plane sur l’Aïd
Cette tragédie survient alors que l’Aïd al-Adha, la fête du sacrifice, est célébrée par les musulmans du monde entier. Mais les réjouissances sont assombries cette année par la guerre qui fait rage entre Israël et le Hamas palestinien dans la bande de Gaza.
De nombreux pèlerins ont exprimé leur solidarité avec le peuple palestinien, à l’image de Najem Nawwar, un Egyptien de 43 ans :
“Nous ne ressentons pas l’Aïd car nos frères à Gaza sont opprimés sous l’occupation.”
déplore-t-il.
Le roi saoudien Salmane a d’ailleurs invité 2000 Palestiniens à accomplir le hajj à ses frais, dont la moitié sont des proches de victimes des combats à Gaza. Un geste de solidarité apprécié, même si les autorités ont prévenu qu’aucun slogan politique ne serait toléré pendant le pèlerinage.
Les raisons d’un pèlerinage si meurtrier
Comment expliquer qu’autant de pèlerins aient succombé à la chaleur lors de ce hajj 2024 ? Plusieurs facteurs sont en cause :
- La période estivale, avec des températures extrêmes en Arabie saoudite
- L’affluence record, avec plus de 1,8 million de participants
- Le manque de préparation de certains pèlerins face à ces conditions
- La ferveur religieuse poussant beaucoup à dépasser leurs limites
Les autorités saoudiennes avaient pourtant pris des mesures pour limiter les risques, avec des points d’eau, des abris climatisés et une surveillance médicale renforcée. Mais cela n’a pas suffi face à l’ampleur du défi logistique et sanitaire posé par ce hajj caniculaire.
Cette tragédie soulève des questions sur l’organisation future du pèlerinage, alors que le changement climatique risque de rendre les étés de plus en plus chauds dans la région. Des réflexions sont en cours pour repenser le calendrier et les conditions d’accueil des fidèles, afin d’éviter que ce genre de drame ne se reproduise.
En attendant, le monde musulman pleure ses morts en ce jour de fête, uni dans la douleur et la prière. Un hajj qui restera dans les mémoires comme l’un des plus éprouvants de l’histoire, endeuillé par une chaleur meurtrière.