Dans la ville de Rennes, haut lieu de la gauche française dirigé sans interruption par le Parti Socialiste depuis 1977, les élections européennes de 2024 ont révélé un paradoxe politique étonnant. Voter pour la liste menée par Raphaël Glucksmann, figure de proue de la gauche, y était considéré par beaucoup comme un choix… de droite ! Un constat qui témoigne de la singularité de ce bastion progressiste.
Rennes, une ville ancrée à gauche
Capitale de la Bretagne, Rennes se distingue depuis des décennies par son attachement aux valeurs de solidarité et de justice sociale. Depuis la victoire d’Edmond Hervé en 1977, la mairie n’a plus quitté les mains du PS. Nathalie Appéré, maire actuelle, perpétue cet héritage. La ville se caractérise par un fort taux de participation aux scrutins et une vie politique locale dynamique.
Une gauche diversifiée et engagée
Le paysage politique rennais se compose de multiples sensibilités de gauche : socialistes, écologistes, communistes, insoumis… Cette diversité favorise les débats et l’émergence d’initiatives citoyennes. Les Rennais sont connus pour leur engagement militant et associatif, que ce soit pour défendre l’environnement, les droits sociaux ou l’éducation.
Ici, les gens sont de gauche.
– Un habitué du bar Les Trois Couleurs
Un vote Glucksmann vu comme un choix “de droite”
Pourtant, lors des européennes, le vote en faveur de la liste de Raphaël Glucksmann, incarnation d’une gauche modérée et pro-européenne, a été perçu par une partie des Rennais comme un virage vers le centre, voire la droite. Dans une ville habituée aux discours plus radicaux, soutenir Glucksmann était presque un acte de dissidence. Un phénomène révélateur des clivages qui traversent la gauche locale.
La droite peine à exister
Face à l’hégémonie de la gauche, la droite traditionnelle et le Rassemblement National peinent à s’implanter durablement. Leurs scores restent modestes, comme en témoigne la contre-performance du RN aux européennes (9,4%). Selon l’opposition, la mairie socialiste marginaliserait les voix dissidentes, une stratégie qui entretiendrait le statu quo politique.
L’exception rennaise, reflet d’une singularité bretonne ?
Le cas de Rennes interroge sur les spécificités de la culture politique bretonne. Terre de tradition catholique marquée par les luttes ouvrières et paysannes, la péninsule armoricaine a développé un rapport particulier au progressisme et au débat démocratique. Une identité régionale qui continue de façonner les comportements électoraux.
Vers un renouveau du paysage politique local ?
Si la gauche semble pour l’heure indéboulonnable à Rennes, rien n’est figé. L’émergence de nouvelles forces politiques, les mutations sociologiques et les enjeux contemporains (écologie, mondialisation…) sont autant de facteurs qui pourraient rebattre les cartes à l’avenir. Les prochains scrutins diront si la ville est prête à tourner la page de quatre décennies de domination socialiste.
Rennes et son rapport ambivalent au vote Glucksmann illustrent toute la complexité de la géographie électorale française. Un cas d’école passionnant pour comprendre les ressorts intimes de notre démocratie.