Et si la paix, si durement acquise, volait en éclats trente ans après ? Dans un coin des Balkans, la Bosnie-Herzégovine tremble à nouveau sous le poids de divisions profondes. Les cicatrices de la guerre, loin d’être refermées, semblent prêtes à s’ouvrir à la moindre étincelle. Aujourd’hui, un homme, un sujet explosif et une bataille juridique menacent de faire basculer ce fragile équilibre. Que se passe-t-il vraiment dans ce pays où l’histoire ne cesse de bégayer ?
Une Paix Fragile à l’Épreuve du Temps
Remontons le fil du temps. En 1995, un accord historique met fin à une guerre qui a déchiré la Bosnie pendant trois ans. Signé dans une base militaire américaine, cet accord redessine le pays en deux entités distinctes : d’un côté, une fédération où cohabitent Bosniaques et Croates, de l’autre, une région autonome pour les Serbes, appelée Republika Srpska. Chacun y trouve son compte, ou presque. Mais cette paix, bâtie sur des compromis fragiles, repose sur un équilibre précaire.
Trente ans plus tard, cet édifice menace de s’effondrer. Pourquoi ? Parce que les rêves divergent. Les uns veulent un État central fort, les autres défendent leur autonomie, tandis qu’une troisième voix réclame encore plus de libertés. Au cœur de ce bras de fer, un sujet brûlant cristallise les tensions : la propriété des biens publics.
Les Biens d’État : Le Cœur du Conflit
Imaginez des milliers de terrains, forêts, rivières et bâtiments disséminés sur un territoire disputé. À qui appartiennent-ils ? Pour certains, ces richesses doivent revenir à l’État central, garant d’une unité nationale. Pour d’autres, elles sont le patrimoine exclusif des entités qui les abritent. Ce débat, en apparence technique, est une bombe à retardement.
Depuis 2005, aucun accord n’a permis de trancher. Le dossier reste en suspens, empoisonnant les relations entre les communautés. Mais en 2021, un nouvel acteur entre en scène, décidé à mettre fin à cette ambiguïté. Nommé par la communauté internationale pour veiller sur la paix, ce haut fonctionnaire allemand déclare haut et fort : ces biens appartiennent à l’État, point final. Une position claire, mais explosive.
Seul l’État peut gérer ces ressources et en répartir l’usage.
– Haut représentant international, 2021
La Ligne Rouge d’un Leader Serbe
Face à cette décision, un homme monte au créneau. Dirigeant de la Republika Srpska, il voit rouge. Pour lui, céder ces biens revient à vider son entité de sa substance. « Une coquille vide », martèle-t-il. Il accuse les forces internationales de vouloir affaiblir les Serbes bosniens et passe à l’action.
Fin 2022, son parlement adopte une loi audacieuse : tous les biens situés sur son territoire appartiennent à ses institutions. Une provocation ? Sans doute. Mais la réponse ne tarde pas. Le haut représentant suspend cette loi, suivi par la justice nationale. Le ton monte, et la bataille législative s’intensifie.
Une Escalade Juridique Sans Précédent
En 2023, la Republika Srpska contre-attaque. Deux nouvelles lois voient le jour, défiant ouvertement l’autorité centrale et internationale. Elles proclament que ni les décisions du haut représentant ni celles de la cour constitutionnelle ne s’appliquent chez eux. Une rébellion ouverte.
Le haut fonctionnaire riposte avec une arme lourde : il modifie le code pénal pour punir quiconque ignore ses ordres. Le dirigeant serbe, loin de plier, promulgue quand même ses lois. Résultat ? Il est inculpé en août 2023. Son procès, ouvert en février 2024, se conclut un an plus tard par une condamnation : un an de prison et une interdiction de six ans d’exercer une fonction publique.
« Un procès politique », clame-t-il, refusant le verdict. Il ne se rendra plus au tribunal. La situation devient un jeu de chat et de souris, où chaque camp pousse l’autre dans ses retranchements.
Vers la Sécession ? Les Signes Avant-Coureurs
Début 2025, la tension atteint un nouveau sommet. Le parlement serbe adopte des mesures radicales : interdiction aux forces de l’État central d’agir sur son sol, projets d’une constitution propre, d’une armée, voire d’une alliance avec un pays voisin. Des mots qui sonnent comme une déclaration d’indépendance larvée.
- Interdiction des autorités centrales sur le territoire serbe.
- Annonce d’une constitution autonome.
- Projets d’une armée et de frontières renforcées.
La justice centrale réagit en ouvrant une enquête pour atteinte à l’ordre constitutionnel. Un mandat d’arrêt national est lancé mi-mars contre le leader et ses proches. Mais leur arrestation semble improbable : trop risquée, trop explosive.
Un Jeu de Cache-Cache International
Pendant ce temps, le dirigeant serbe orchestre sa résistance depuis sa ville de prédilection. On le voit célébrer son anniversaire, assister à des événements publics, comme pour narguer ses adversaires. Puis, fin mars, il disparaît. Direction : la Serbie, puis Israël, avant d’atterrir à Moscou. De là, il diffuse un message vidéo, défiant une fois de plus ses poursuivants.
La justice nationale riposte en émettant un mandat d’arrêt international. Une demande est faite à Interpol, mais début avril, rien n’est encore acté. Où est-il ? Que prépare-t-il ? Le mystère s’épaissit.
Un Pari Dangereux pour l’Avenir
Pour un expert en sciences politiques de Sarajevo, cette stratégie vise à plonger le pays dans un chaos juridique. « Il veut rendre l’État central ineffectif », explique-t-il. Un pari risqué, où tout peut basculer : soit le leader l’emporte, soit la Bosnie sombre.
C’est une voie sans retour : soit lui, soit la Bosnie.
– Professeur à Sarajevo, 2025
Trente ans après une guerre qui a fait des dizaines de milliers de victimes, la Bosnie se tient à un carrefour. Les tensions ethniques, les querelles territoriales et les ambitions personnelles menacent de raviver un passé douloureux. La paix tiendra-t-elle ? Rien n’est moins sûr.
Communauté | Population | Objectif |
Bosniaques | 50,1 % | État central renforcé |
Serbes | 30,8 % | Autonomie préservée |
Croates | 15,4 % | Plus d’autonomie |
Un pays, trois visions, et un avenir suspendu à un fil.
Le compte à rebours est lancé. Entre sanctions internationales, risques de violences et incertitudes politiques, la Bosnie joue son destin sur un fil. Que réserve demain ? Une chose est sûre : le monde regarde, inquiet.