Imaginez un séisme électoral. C’est ce qui s’est produit lors des élections européennes 2024 en France, où une vague de soutien sans précédent des électeurs musulmans a déferlé sur La France Insoumise (LFI). Selon une étude Ifop pour La Croix, pas moins de 62% des citoyens de confession musulmane ayant voté ont choisi la liste menée par Manon Aubry. Un raz-de-marée qui fait écho au score de 69% obtenu par Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle 2022 dans cet électorat. Mais quels sont les ressorts de cette adhésion massive ? Et quelles en seront les conséquences sur l’échiquier politique français ?
Gaza, catalyseur du vote musulman
Pour comprendre ce raz-de-marée, il faut se pencher sur les motivations de ce vote. Et un facteur se dégage nettement : la guerre à Gaza. Selon l’étude Ifop, pas moins de 83% des électeurs musulmans citent le conflit israélo-palestinien comme un enjeu déterminant de leur choix, contre seulement 25% dans l’ensemble de la population. Un écart abyssal qui démontre à quel point ce sujet a pesé dans les urnes.
Et LFI l’a bien compris, en plaçant ce thème au cœur de sa campagne. La présence en 7ème position sur sa liste de Rima Hassan, militante franco-palestinienne, en est le symbole le plus éclatant. Un choix hautement stratégique qui a porté ses fruits, dans un contexte de vives tensions au Proche-Orient.
Une abstention qui relativise le score
Cependant, il convient de nuancer ce triomphe de LFI. Car si 62% des votants musulmans ont choisi la liste insoumise, ils ne représentent qu’une fraction de cet électorat. En effet, l’abstention a atteint 59% chez les citoyens de confession musulmane, soit 10 points de plus que la moyenne nationale. Un chiffre qui relativise l’ampleur de la vague Mélenchon, tout en confirmant le désamour d’une partie de cette communauté pour les urnes.
Quelles implications politiques ?
Au-delà de ces nuances, ce vote musulman massif en faveur de LFI va peser sur le jeu politique. Déjà, certains y voient le signe que les Insoumis “devront rembourser leur dette” électorale en acceptant davantage d'”accommodements confessionnels”, pour reprendre les mots d’un politologue. Une crainte nourrie par le souvenir du voile à l’Assemblée ou de la polémique sur le burkini.
Cette poussée de LFI pourrait aussi rebattre les cartes à droite
À droite, certains plaident déjà pour un rapprochement entre LR et le RN face à la menace islamiste. Une ligne incarnée par Éric Ciotti, qui appelle de ses vœux une alliance, quand Éric Zemmour renonce aux Législatives pour ne pas entraver les candidats RN. Autant de signes d’une droitisation et d’une fragmentation accrue du paysage politique, sur fond d’inquiétudes identitaires.
Ce séisme du vote musulman aux Européennes ouvre donc une nouvelle séquence politique en France. Une séquence faite d’incertitudes et de tensions, où la question de l’islam et de la laïcité promet d’occuper une place centrale dans le débat. Avec en toile de fond un clivage de plus en plus marqué entre une gauche qui capte le vote des minorités et une droite tentée par le repli. Un paysage politique plus fracturé que jamais, à deux ans de la présidentielle 2027.
