Les récentes élections européennes ont été scrutées avec attention, beaucoup anticipant une potentielle “vague populiste” qui submergerait le Parlement européen. Les résultats, s’ils confirment une progression des forces d’extrême droite, suggèrent une réalité plus nuancée et complexe.
Une extrême droite en progression mais loin d’une majorité
Selon les projections, les partis de droite radicale pourraient totaliser environ 170 sièges sur 720 au Parlement européen, soit près de 24%. Une hausse significative par rapport aux scrutins précédents, mais qui ne permet pas de parler de raz-de-marée populiste. La situation varie grandement d’un pays à l’autre.
En France, le Rassemblement national et Reconquête réalisent une percée, gagnant 11 sièges. Mais dans d’autres grands pays comme l’Allemagne ou l’Espagne, la progression est plus limitée. En Italie, malgré la victoire de Giorgia Meloni, le nombre total d’élus d’extrême droite reste stable.
Des reconfigurations qui ne changent pas fondamentalement la donne
Si l’extrême droite progresse, elle reste loin d’obtenir une “minorité de blocage” face à la grande coalition entre le PPE (droite), les sociaux-démocrates et les libéraux, qui conservent une majorité absolue. Des reconfigurations sont possibles, comme un rapprochement entre le PPE et certains partis de droite radicale “recentrés”, mais une coalition de droite durable et structurelle semble peu probable tant les divergences sont grandes.
Le PPE disposera de beaucoup plus de moyens de pression sur ses partenaires libéraux et sociaux-démocrates pour influencer le travail en commission.
– Mathieu Gallard, directeur d’études à Ipsos France
Le PPE, grand vainqueur en position de force
Avec un centre de gravité qui se déplace vers la droite et une position dominante, le Parti Populaire Européen sort renforcé de ces élections. S’il n’a pas progressé en nombre d’élus, il devient plus que jamais incontournable dans les équilibres politiques.
- Le PPE pourra faire pression sur ses partenaires libéraux et sociaux-démocrates
- L’arrivée des partis de Meloni en son sein changerait radicalement la donne
Un “front commun” entre gauche, écologistes et libéraux pourrait ponctuellement contrer des initiatives de la droite, sur les questions sociétales ou environnementales par exemple. Mais il n’existe pas de majorité alternative durable à la “grande coalition”.
Une Europe politique à la croisée des chemins démocratiques
Ces élections confirment une progression continue des idées d’extrême droite au sein des opinions publiques européennes. Sans bouleverser les équilibres, elles obligent les partis traditionnels à des contorsions et recompositions. L’enjeu pour le projet européen est de réussir à fédérer autour de valeurs communes sans nier la montée des clivages.
L’Europe politique doit cesser de considérer les peuples comme des ramassis de crétins.
– Chantal Delsol, philosophe
Pour beaucoup, il est urgent que l’UE se refonde sur des principes démocratiques renforcés pour contrer la défiance croissante des citoyens. Sans quoi la lente progression des forces centrifuges pourrait bien finir par faire voler en éclats le projet européen. Face à une extrême droite passée de marginale à incontournable, le défi est de redonner un sens et une légitimité à une Europe unie mais plus que jamais divisée.