C’était une image forte, presque surréaliste. Mardi, lors du discours très attendu de Volodymyr Zelensky devant le Bundestag, de nombreux sièges sont restés désespérément vides. Les élus de l’AfD, parti d’extrême-droite, tout comme ceux de la gauche radicale du BSW, ont en effet boycotté l’intervention du président ukrainien. Un geste lourd de sens, révélant au grand jour les profondes divisions qui traversent le paysage politique allemand sur le dossier ukrainien.
L’extrême-droite et la gauche radicale main dans la main
Pourtant si éloignées sur l’échiquier politique, l’AfD et le BSW se retrouvent étonnamment sur un point : leur opposition à la ligne pro-ukrainienne du gouvernement Scholz. Mais pour des raisons bien différentes.
Pour justifier son boycott, l’AfD affirme sans détour que “l’Ukraine n’a pas besoin d’un président de guerre mais d’un président de paix”. Un discours aligné sur celui du Kremlin, l’extrême-droite allemande ne cachant pas sa proximité idéologique avec la Russie de Poutine.
De son côté, le BSW dit vouloir “envoyer un signe de solidarité avec tous ces Ukrainiens qui veulent un cessez-le-feu immédiat et une solution négociée”. Une position pacifiste, rejettant toute escalade militaire, quitte à apparaître complaisante avec Moscou.
Une fracture durable sur la question ukrainienne
Au-delà de l’anecdote, ce boycott illustre les profondes divergences qui persistent en Allemagne, et plus largement en Europe, sur la réponse à apporter face à l’agression russe. Entre les partisans d’un soutien indéfectible à Kiev, quitte à s’engager dans un long conflit, et les tenants d’une approche plus mesurée, craignant une dangereuse escalade, les désaccords sont béants.
Et ces fractures ne se limitent pas aux franges extrêmes du spectre politique. Au sein même de la coalition gouvernementale, les débats font rage sur les livraisons d’armes, les sanctions contre Moscou ou encore la perspective d’une adhésion de l’Ukraine à l’UE et l’OTAN. Autant de sujets explosifs qui divisent profondément la classe politique, mais aussi l’opinion publique allemande.
Zelensky face aux défis de l’unité occidentale
Pour le président Zelensky, ce coup d’éclat au Bundestag est un signal préoccupant. Lui qui s’efforce de maintenir la cohésion des soutiens occidentaux à son pays, doit composer avec ces voix dissonantes qui s’élèvent de plus en plus fort, y compris chez ses alliés clés comme l’Allemagne.
La guerre en Ukraine ne fait plus l’unanimité en Occident, loin s’en faut. Et Zelensky en fait aujourd’hui le constat amer.
Un diplomate européen
Au-delà du symbole, ce boycott rappelle que le soutien à l’Ukraine est loin d’être gravé dans le marbre. A mesure que le conflit s’enlise, que le coût humain et économique s’alourdit, les divergences stratégiques se creusent entre Européens. Un défi majeur pour Kiev, qui doit sans cesse remotiver ses troupes diplomatiques pour éviter que le front uni ne se lézarde.
Repenser l’approche ukrainienne, un impératif ?
Face à ces vents contraires, certains en appellent à un ajustement de la stratégie ukrainienne. Plutôt que de s’arc-bouter sur une ligne dure, Kiev devrait davantage prendre en compte les préoccupations de ses partenaires, notamment sur les questions humanitaires et les efforts de paix.
- Favoriser les initiatives diplomatiques, même limitées
- Mettre en avant le coût humain du conflit
- Proposer des gestes d’apaisement envers Moscou
- Réaffirmer la perspective d’une Ukraine neutre
Autant de pistes évoquées par les tenants d’une approche plus souple, soucieux de ne pas couper les ponts avec la frange la plus sceptique des opinions occidentales. Mais jusqu’où Kiev peut-il lâcher du lest, sans donner l’impression de céder au chantage russe ? Un dilemme cornélien pour Zelensky, pris en étau entre les impératifs de fermeté et les appels à la retenue de ses propres alliés.
Quoi qu’il en soit, le coup de force des élus AfD et BSW aura eu le mérite de mettre en lumière ces lignes de faille qui parcourent le camp occidental. Un signal d’alarme pour l’Ukraine, qui doit plus que jamais soigner ses arrières diplomatiques. Car sur le long chemin de la victoire contre la Russie, l’unité de la coalition pro-Kiev sera sa meilleure arme. Ou son talon d’Achille.