Le procès du vaste trafic de drogue mis en place à la mairie PS de Canteleu vient de connaître un rebondissement inattendu. Montacer Meziani, le principal protagoniste de cette affaire retentissante, a été libéré ce lundi 10 juin 2024 pour “des raisons de santé”. Une décision qui soulève de nombreuses questions et relance les interrogations sur les ramifications de ce dossier tentaculaire.
Retour sur une affaire hors norme
L’affaire avait éclaté au grand jour il y a maintenant plusieurs mois, lorsque les enquêteurs avaient mis au jour l’existence d’un vaste réseau de trafic de stupéfiants opérant depuis les locaux de la mairie de Canteleu, ville de Seine-Maritime dirigée par une majorité PS. Au cœur de ce scandale, Montacer Meziani, une figure du milieu bien connue des services de police, qui aurait tisser sa toile au sein même de l’hôtel de ville avec la complicité présumée d’élus et d’employés municipaux.
Malgré les dénégations de la majorité municipale, les investigations avaient permis de mettre en évidence l’ampleur du trafic et les liens troubles entre le principal suspect et certains membres de l’équipe dirigeante. De quoi plonger la ville dans la tourmente et ébranler sérieusement la crédibilité des élus locaux, à commencer par le maire Daniel Boulanger, lui-même mis en examen dans ce dossier.
Un procès sous haute tension
C’est dans ce contexte explosif que s’était ouvert en début d’année le procès très attendu des protagonistes de l’affaire. Au premier rang des accusés, Montacer Meziani, contre lequel les enquêteurs avaient réuni de nombreux éléments à charge. Mais aussi plusieurs élus et collaborateurs de la mairie, soupçonnés à des degrés divers de complicité active ou passive dans le cadre de ce trafic d’une ampleur inédite.
Dès les premiers jours d’audience, les tensions étaient palpables et les débats particulièrement animés. La défense de Montacer Meziani avait choisi d’attaquer frontalement les méthodes des enquêteurs, dénonçant un dossier bâti sur des suppositions et des interprétations hasardeuses. Les avocats des élus mis en cause avaient eux aussi dénoncé un “procès politique” visant à déstabiliser la majorité municipale.
Un coup de théâtre qui change la donne
C’est dans ce climat déjà lourd que vient de tomber la décision surprise de libérer Montacer Meziani pour “raisons de santé”. Une annonce qui a fait l’effet d’une bombe dans la salle d’audience et au-delà, suscitant stupeur et incompréhension chez les parties civiles et dans les rangs de l’accusation.
Si peu de détails ont filtré sur la nature exacte des problèmes de santé invoqués, cette remise en liberté inattendue du principal accusé, jusque là placé en détention provisoire, est un véritable coup de tonnerre. Elle prive le procès de son protagoniste central et pourrait singulièrement affaiblir l’accusation, privée de la possibilité d’interroger celui qui est au cœur du dossier.
De nombreuses zones d’ombre
Au-delà du seul cas de Montacer Meziani, cette décision relance les interrogations sur les zones d’ombre qui entourent ce dossier hors norme depuis le début. Beaucoup s’interrogent sur la réalité de l’état de santé de l’accusé et sur d’éventuelles pressions qui auraient pu s’exercer en coulisses pour obtenir sa libération.
Plus largement, c’est toute la solidité de l’accusation qui se trouve fragilisée par ce coup de théâtre, alors même que de nombreux éléments troublants avaient été versés aux débats concernant l’implication de plusieurs élus locaux dans ce vaste réseau de trafic de drogue. Autant de questions qui risquent de rester en suspens si le procès devait se poursuivre sans son principal accusé.
“Cette décision est totalement incompréhensible et jette le trouble sur l’ensemble du dossier. On a le sentiment que quelqu’un cherche à étouffer l’affaire et à protéger des personnalités impliquées.”
réagit ainsi un avocat des parties civiles
Du côté de la mairie de Canteleu et de la majorité PS, on oscille entre soulagement et embarras. Si la libération de Montacer Meziani éloigne le spectre d’un procès potentiellement dévastateur, elle ne règle en rien les interrogations sur l’ampleur des complicités dont aurait bénéficié le trafic au plus haut niveau local.
Contacté, l’avocat du maire Daniel Boulanger, également mis en examen, a sobrement indiqué “prendre acte” de la décision, sans plus de commentaires. Autant d’éléments qui laissent planer le doute sur la suite de ce procès hors norme et sur la capacité de la justice à faire toute la lumière sur une affaire qui a profondément choqué l’opinion. Un feuilleton judiciaire loin d’avoir livré tous ses secrets.
