C’est un séisme qui vient de secouer le paysage politique français. Après des mois de tractations et à moins d’un an des élections législatives de 2024, les principaux partis de gauche – Parti socialiste (PS), Parti communiste français (PCF), Europe Écologie Les Verts (EELV) et La France Insoumise (LFI) – annoncent avoir trouvé un accord de principe en vue d’une alliance électorale baptisée “Front Populaire”. Une union inédite qui ravive le souvenir du rassemblement victorieux de 1936 et qui pourrait changer la donne à gauche, alors que celle-ci semblait abonnée aux divisions et aux échecs depuis plusieurs années.
Un accord historique pour rompre avec les divisions
Malgré leurs différences idéologiques et les rancœurs accumulées lors des scrutins précédents, les quatre principales forces de gauche ont finalement réussi à surmonter leurs divergences pour s’unir face à ce qu’elles considèrent comme une urgence démocratique et sociale. Dans un communiqué commun, les dirigeants du PS, du PCF, d’EELV et de LFI expliquent avoir “décidé de faire prévaloir l’intérêt général et l’aspiration de nos concitoyens à une alternative de gauche crédible et efficace”.
Un rapprochement qui n’allait pas de soi, tant les blessures des dernières années semblaient profondes. Mais face à la perspective d’une nouvelle défaite et d’une marginalisation durable, la raison l’a finalement emporté. Comme l’a reconnu le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure :
“Nous avons compris que nos divisions faisaient le jeu de nos adversaires et qu’il était temps de changer de logiciel. Ensemble, nous serons plus forts pour défendre nos valeurs et porter un projet alternatif pour la France.”
Olivier Faure, Premier secrétaire du PS
Un programme commun axé sur la justice sociale et l’écologie
Au-delà du symbole, c’est un véritable programme partagé que les quatre partis se sont engagés à défendre. Avec comme priorités :
- La justice sociale, via des mesures de revalorisation des salaires et des pensions, un encadrement des loyers ou encore une réforme de la fiscalité pour la rendre plus redistributive.
- La transition écologique, avec un plan d’investissement massif dans les énergies renouvelables, la rénovation thermique des bâtiments et le développement des transports en commun.
- Le renforcement des services publics, notamment dans la santé et l’éducation.
- Une VIe République plus démocratique, avec l’instauration d’une dose de proportionnelle aux législatives et de nouveaux droits citoyens comme le référendum d’initiative partagée.
Un projet ambitieux, en rupture avec les politiques menées ces dernières années, et qui se veut une réponse aux attentes d’une large partie de la population en termes de pouvoir d’achat, de protection sociale ou encore de lutte contre le dérèglement climatique.
Mais des défis de taille à surmonter
Si l’accord a été salué par de nombreuses figures et militants de gauche, il soulève aussi des interrogations quant à sa solidité et à sa capacité à convaincre un électorat déboussolé. Car au-delà des bonnes volontés affichées, les divergences entre les quatre partis restent réelles, notamment sur les questions européennes et internationales.
L’autre grand défi sera de résister à la pression de l’exécutif et des médias, qui voient d’un mauvais œil ce “front” jugé contre-nature. Le président Emmanuel Macron a d’ailleurs immédiatement dénoncé “des alliances électoralistes et opportunistes qui ne servent pas l’intérêt du pays”, tandis que plusieurs éditorialistes mettent en garde contre le risque d’une “dérive radicale”.
Les législatives comme premier test grandeur nature
C’est donc dans un contexte hautement incertain et polarisé que ce “Front Populaire” nouvelle génération s’apprête à faire ses premiers pas. Avec en ligne de mire le scrutin législatif de juin 2024, qui s’annonce d’ores et déjà comme un test majeur.
En cas de succès, la gauche unie pourrait retrouver une majorité à l’Assemblée nationale et imposer une cohabitation à Emmanuel Macron pour la fin de son quinquennat. Un scénario qui semblait impensable il y a encore quelques mois, mais que cet accord remet sur le devant de la scène.
À l’inverse, un échec validerait la thèse d’un inexorable déclin de la gauche et ouvrirait un boulevard au duel annoncé entre la majorité présidentielle et le Rassemblement national. Autant dire que les prochains mois s’annoncent décisifs pour l’avenir de la gauche française et, au-delà, pour celui du pays tout entier.