Imaginez un défilé de mode dans l’un des lieux les plus emblématiques du cinéma italien. C’est le pari fou que Simon Porte Jacquemus, créateur de la marque française éponyme, a relevé ce 10 juin 2024 en investissant la légendaire Villa Malaparte sur l’île de Capri. Un événement qui a ébloui les happy few conviés et enflammé les réseaux sociaux, consacrant un peu plus le jeune prodige de la mode hexagonale.
La Villa Malaparte, un écrin de légende
Perchée sur un éperon rocheux surplombant la Méditerranée, la Villa Malaparte est bien plus qu’une simple maison. Œuvre moderniste de l’architecte Adalberto Libera pour l’écrivain Curzio Malaparte dans les années 1930, elle est devenue une icône en servant de décor au film Le Mépris de Jean-Luc Godard en 1963, avec Brigitte Bardot. Ses lignes épurées, son toit-terrasse aux allures de scène, sa parfaite intégration au paysage en font un objet de fantasme jamais égalé.
C’est ce mythe que Simon Porte Jacquemus a voulu approcher en y défilant, une première dans l’histoire de la mode. Le créateur de 33 ans, connu pour ses silhouettes sensuelles et solaires, sa fascination pour la Méditerranée, ne pouvait rêver meilleur écrin. D’autant qu’il voue un véritable culte au film de Godard :
C’est en regardant Le Mépris à 17 ans que j’ai voulu faire de la mode.
confie-t-il avant le show.
Un casting quatre étoiles
Pour ce défilé exceptionnel, le Provençal a vu les choses en grand et convié un parterre de choix, avec seulement 40 invités triés sur le volet. Si les journalistes étaient peu nombreux, les célébrités ont répondu présentes, de Laetitia Casta à Gwyneth Paltrow en passant par Dua Lipa ou le nouveau couple glamour du cinéma français, Adèle Exarchopoulos et François Civil.
Mais la surprise est venue des podiums, avec la présence exceptionnelle de Jenny, superstar de la K-Pop et membre du groupe Blackpink, qui a clôturé le défilé dans une longue robe noire. Une apparition inattendue qui a provoqué une hystérie sur les réseaux sociaux, propulsant l’événement au rang de trending topic mondial sur Twitter.
Une collection hommage à BB et Jackie O
Côté mode, la collection automne-hiver 2024 présentée rend un vibrant hommage à deux icônes : Brigitte Bardot, dans sa période Mépris, et Jackie Kennedy lors de ses virées italiennes dans les sixties. Robes longues en voile, tops peplum, jupes trapèze aux couleurs intenses (jaune, turquoise, rose soutenu), jeux de transparence, manteaux en veau velours, cabas oversize, mules à talons carrés…
Jacquemus signe une garde-robe estivale intemporelle et ultra-désirable, magnifiée par des matières nobles (soie, raphia, cuir, plumes) et des détails couture comme ce manteau blanc entièrement brodé inspiré du peignoir porté par BB. Le tout mis en valeur par une scénographie époustouflante, jouant du contraste entre l’architecture minimaliste, la roche volcanique et la mer azur.
Un coup de maître marketing
Au-delà de l’exploit logistique et de la prouesse esthétique, ce défilé est un coup de génie marketing pour la marque Jacquemus. Avec un budget bien inférieur aux géants du luxe, le jeune créateur réussit un buzz mondial en activant les bons leviers : lieu exceptionnel, casting pointu mêlant mannequins stars et influenceuses, pièces fortes ultra-photogéniques, contenu digital maîtrisé…
En quelques heures, la toile s’enflamme : les vidéos du défilé deviennent virales, les pièces font l’objet de milliers de posts, likes et commentaires, le nom Jacquemus est sur toutes les lèvres. Une success story qui prouve que l’industrie de la mode, en plus de vendre du rêve et de la beauté, est devenue une formidable machine à buzz où les réseaux sociaux font la loi. Pour le meilleur et pour le pire.
Car si Jacquemus prouve qu’une marque indépendante peut jouer dans la cour des grands en créant l’événement, ce défilé interroge aussi notre rapport à l’image et au voyeurisme. Qu’importe le vêtement, pourvu qu’on ait le décor et les people. Un constat que le créateur, conscient de ces dérives, tente de dépasser en misant sur la qualité et l’intemporalité :
Je ne travaille pas pour un buzz éphémère mais pour construire une maison qui dure.
conclut-il, ambitieux.
Insensible aux caprices de la fast-fashion, Jacquemus trace sa route. Et à en croire l’engouement suscité par sa dernière collection, son pari de couper les amarres des diktats pour voguer vers une mode plus apaisée et plus pérenne est en passe d’être gagné. Prochain cap, la consécration ?
