C’est un pavé dans la mare du nucléaire français. L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) vient de rendre un avis qui soulève des doutes sur la capacité du site d’enfouissement des déchets radioactifs de Cigéo à Bure, dans la Meuse, à absorber les volumes supplémentaires liés aux nouveaux projets de réacteurs EPR.
Cigéo sous la loupe de l’IRSN
Saisi par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), l’organisme expert de la sûreté nucléaire a analysé le dossier de demande d’autorisation de création de Cigéo, déposé début 2023 par l’Andra, l’agence en charge de la gestion des déchets radioactifs. Son verdict : si le dimensionnement actuel du site, destiné à enfouir à 500 mètres sous terre les déchets les plus radioactifs du parc nucléaire actuel, ne pose pas de problème majeur, des “incertitudes subsistent” quant à sa capacité à accueillir les volumes supplémentaires générés par les futurs EPR.
La capacité de l’installation à stocker davantage de déchets devra être évaluée sur la base de nouvelles études.
– L’IRSN
La relance du nucléaire en question
Le gouvernement a annoncé son intention de relancer un vaste programme nucléaire, avec la construction de 6 nouveaux EPR2 dans un premier temps, puis potentiellement 8 autres EPR2 ou des petits réacteurs modulaires (SMR). Or ces réacteurs de nouvelle génération produiront eux aussi des déchets hautement radioactifs qu’il faudra stocker à très long terme. D’où la nécessité, soulignée par l’IRSN, de s’assurer dès à présent que Cigéo pourra effectivement jouer son rôle pour ces volumes supplémentaires.
Pour les projets de réacteurs déjà actés (prolongation du parc actuel et 6 premiers EPR2), l’IRSN n’émet pas d’objection de principe. En revanche, si la relance du nucléaire devait aller au-delà, il faudra revoir la copie de Cigéo et démontrer, études à l’appui, sa capacité à absorber les surplus de déchets radioactifs engendrés.
Cigéo, un projet contesté
Cigéo est un projet contesté localement, certains redoutant son impact environnemental et sanitaire. Avec cet avis de l’IRSN et le débat sur son dimensionnement, une nouvelle épine s’ajoute dans le pied de ce dossier ultra-sensible.
L’avis de l’IRSN ne constitue qu’une étape dans le long processus d’autorisation du site d’enfouissement. Il revient maintenant à l’ASN de se prononcer, avant une enquête publique et une décision finale du gouvernement. Un feu vert qui, au mieux, n’interviendra pas avant plusieurs années.
Cigéo, symbole des difficultés et des enjeux de la filière électro-nucléaire hexagonale, n’a pas fini de faire parler de lui. Et au cœur de la polémique: notre capacité à gérer, sur la très longue durée, l’héritage encombrant de nos réacteurs.