Surfant sur sa large victoire aux élections européennes avec 31,4% des suffrages, le Rassemblement National entend bien capitaliser sur cette dynamique pour séduire un électorat qui lui était jusqu’alors peu acquis : les cadres et professions intellectuelles supérieures. Un enjeu crucial pour le parti de Jordan Bardella afin de parachever sa normalisation dans le paysage politique français.
Le RN progresse chez les CSP+
Si le vote RN reste encore largement ancré chez les classes populaires et moyennes (54% chez les ouvriers, 40% chez les employés), le parti lepéniste enregistre une percée notable chez les cadres, avec 18% de votes en sa faveur selon un sondage Ipsos. Une progression qui ne doit rien au hasard mais s’inscrit dans une stratégie de longue haleine.
La socialisation parlementaire du RN depuis l’accès de 88 députés à l’Assemblée en 2022, couplée à un aggiornamento idéologique sur les questions de société et européennes, a contribué à lisser son image auprès de l’électorat diplômé et urbain.
Une dynamique générationnelle
Au-delà de l’aspect sociologique, c’est aussi un alignement des planètes générationnel qui dope la dynamique lepéniste : le RN séduit 26% des 18-24 ans, 33% des 25-34 ans et culmine à 37% chez les 50-64 ans. Des chiffres qui laissent entrevoir des réserves de voix conséquentes à l’avenir.
Pour le RN, l’enjeu, lors de la phase législative dans laquelle nous entrons, c’est justement de rassurer les cadres et professions intellectuelles supérieures.
– Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Reconquête, tremplin pour le RN ?
Paradoxalement, l’émergence du parti Reconquête d’Éric Zemmour, qui a fait son entrée au parlement européen, pourrait servir les desseins du Rassemblement National. En permettant au RN d’apparaître comme recentré par contraste, mais aussi en lui offrant une réserve de voix sur sa droite, précieuse en cas de second tour.
Prochaine étape : les législatives
Désormais, tous les regards sont tournés vers les élections législatives anticipées. L’occasion pour le RN d’amplifier sa stratégie de séduction des élites, afin d’adouber définitivement sa normalisation. Un pari audacieux, au vu du redécoupage du paysage politique opéré par le scrutin européen :
- La gauche rééquilibrée par la percée de Raphaël Glucksmann
- La macronie sanctionnée par « un vote d’antimacronisme » selon Alexis Brézet
- LFI peinant à transformer l’essai de la présidentielle malgré des poches de force
Autant d’inconnues avec lesquelles le Rassemblement National va devoir composer s’il veut réussir son pari. Celui de parachever sa mue et d’apparaître comme un recours crédible pour gouverner le pays. Un défi de taille, dont l’issue façonnera durablement le visage politique de la France.
