Les élections européennes de juin 2024 ont révélé une évolution majeure dans les tendances de vote des catholiques pratiquants en France. Une étude exclusive de l’Ifop pour La Croix met en lumière un basculement significatif de cet électorat vers les listes d’extrême droite, qui recueillent désormais 42% de leurs suffrages, soit plus du double par rapport à 2019. En parallèle, le macronisme connaît une chute spectaculaire auprès de cette frange de l’électorat qui l’avait largement plébiscité lors des scrutins précédents.
Une percée spectaculaire de l’extrême droite chez les catholiques pratiquants
Le sondage réalisé par l’Ifop le jour du scrutin montre que 32% des catholiques pratiquants ont voté pour la liste RN de Jordan Bardella, un score proche de la moyenne nationale, contre seulement 14% en 2019. Mais c’est surtout l’addition des votes RN et de la liste Reconquête! menée par Marion Maréchal qui porte l’extrême droite à un niveau inédit de 42%. La nièce de Marine Le Pen a en effet axé sa campagne sur la défense de « l’identité chrétienne », séduisant 10% de l’électorat catholique pratiquant, alors qu’elle plafonne à 5,5% au niveau national.
Les suffrages recueillis par l’extrême droite chez les catholiques pratiquants ont plus que doublé entre 2019 et 2024, passant de 18% à 42%.
Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop
Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de la présidentielle de 2022, où les candidats souverainistes et identitaires (Le Pen, Zemmour, Dupont-Aignan) avaient déjà capté 40% du vote catholique pratiquant au premier tour. Elle traduit une recomposition profonde et durable de cet électorat, historiquement ancré au centre-droit, vers un vote de rupture avec les élites et de défense des valeurs traditionnelles.
Le décrochage du macronisme et des partis de gouvernement
À l’inverse, les listes macronistes subissent un véritable effondrement auprès des catholiques engagés. Alors qu’ils avaient voté à 41% pour la liste Renaissance (ex-LREM) en 2019, ils ne sont plus que 17% à avoir accordé leur confiance à la majorité présidentielle cette année. Un décrochage spectaculaire qui touche également Les Républicains (6%, soit trois fois moins qu’en 2019) et le Parti socialiste (2%). Au total, les partis de gouvernement ne recueillent plus qu’un quart des voix de cet électorat, contre près des deux tiers il y a cinq ans.
Cette désaffection massive s’explique par plusieurs facteurs :
- Un ressentiment à l’égard d’Emmanuel Macron et de son style de gouvernance perçu comme vertical et déconnecté
- Des déceptions sur les questions sociétales (PMA, fin de vie) où les catholiques attendaient une ligne plus conservatrice
- Un sentiment d’insécurité culturelle et identitaire face à l’islam, sur lequel l’extrême droite apparaît plus ferme
- Une sensibilité accrue aux thèmes de l’immigration et du contrôle des frontières, portés par le RN et Reconquête!
Quel impact sur le paysage politique français ?
Ce basculement d’une part significative de l’électorat catholique vers le vote contestataire et identitaire bouscule les équilibres traditionnels. Il fragilise davantage la macronie et la droite républicaine, privées d’un socle électoral qui leur était jusque-là largement acquis. À l’inverse, il consolide le poids des droites extrêmes qui s’affirment comme une force incontournable.
Mais le sondage révèle aussi la persistance d’un vote catholique plus modéré, écologiste ou humaniste, même s’il est minoritaire. Ainsi, 21% des pratiquants ont voté pour les listes EELV/PS/PCF, portant des valeurs de solidarité et de protection de la Création. Et 12% se sont tournés vers la droite pro-européenne incarnée par François-Xavier Bellamy (LR).
Il ne faut pas voir le catholicisme français comme un bloc homogène. Des sensibilités diverses continuent de le traverser, même si le tropisme vers le vote radical identitaire est aujourd’hui majoritaire chez les pratiquants.
Philippe Portier, sociologue des religions
Cette nouvelle donne interroge les forces politiques sur leur capacité à parler aux catholiques, sans les stigmatiser ni instrumentaliser le fait religieux. Un défi majeur, alors que ce vote pèsera lourd dans les prochaines échéances électorales.