Les élections européennes de mai 2024 ont redessiné en profondeur le paysage politique de l’Union européenne. Marqué par une poussée des partis nationalistes et eurosceptiques, ce scrutin réinterroge la composition du Parlement de Strasbourg et les équilibres politiques au sein des institutions européennes. Décryptage des principaux enseignements de ce vote.
Un parlement sous le signe du changement
Premier constat : l’hémicycle européen sort profondément remodelé de ces élections. Avec 25% des sièges contre 18% auparavant, les formations d’extrême-droite et eurosceptiques signent une percée historique. Une dynamique notamment portée par leurs victoires dans 9 pays membres, dont la France, l’Italie ou la Pologne. Un succès qui rebat les cartes et pourrait permettre à ces forces de participer à une coalition de gouvernement européen.
En face, les partis traditionnels accusent le coup. Les conservateurs du PPE restent la première force mais reculent à 21%. Idem pour les sociaux-démocrates (17%) et les libéraux de Renew (13%). Seuls les Verts tirent leur épingle du jeu en progressant à 15%. Au final, le parlement apparaît plus fragmenté que jamais, sans majorité claire.
Le vote religieux, révélateur de fractures
Au-delà des chiffres, l’analyse du vote par catégorie d’électeurs est riche d’enseignements. Selon un sondage IFOP, les catholiques pratiquants ont voté à 42% pour des listes nationalistes. Un choix qui traduit une fracture croissante sur les questions identitaires et sociétales au sein de l’électorat chrétien.
Ce vote identitaire chez les catholiques est un phénomène politique et social majeur. Il démontre l’ampleur de la rupture d’une partie de cet électorat avec les valeurs universalistes portées par l’UE.
Jérôme Fourquet, politologue à l’IFOP
Autre perdant de ce scrutin : le bloc “central” incarné par Emmanuel Macron. Malgré son engagement dans la campagne, le président français voit sa liste subir “une chute brutale”. Un revers cinglant qui interroge sur son influence réelle en Europe.
Quelle Union pour demain ?
Au final, ces élections ouvrent une période d’incertitude pour l’UE. Avec un parlement sans majorité nette et une poussée des forces centrifuges, la construction européenne est plus que jamais bousculée. Plusieurs scénarios sont possibles :
- Un blocage institutionnel paralysant le fonctionnement de l’UE
- Des coalitions variables au cas par cas freinant les réformes d’ampleur
- Un sursaut des pro-européens pour refonder le projet commun
Une chose est sûre : l’avenir de l’Union se jouera dans sa capacité à répondre aux attentes des citoyens. Sécurité, immigration, pouvoir d’achat… Autant de défis concrets sur lesquels l’Europe est attendue. Faute de résultats, le risque d’une désillusion croissante est réel.
L’urgence d’un nouveau récit européen
Face à ces fractures, l’enjeu est aussi celui d’un nouveau récit mobilisateur pour l’Europe. Un défi qui passera par la construction d’une identité commune, au-delà des égoïsmes nationaux. Il s’agira de redonner du sens et une perspective à l’aventure européenne, en réinventant ses mythes fondateurs.
L’Europe doit retrouver une âme et une vision. C’est à ce prix qu’elle pourra reconquérir le cœur des Européens et contrer la montée des populismes.
Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne
Un vaste chantier qui appelle un sursaut des responsables politiques à tous les niveaux. De la refondation démocratique des institutions à l’émergence de véritables partis transnationaux en passant par un nouveau contrat social… Les pistes ne manquent pas pour bâtir l’Europe de demain. Encore faut-il une volonté politique à la hauteur des défis. Le mandat qui s’ouvre sera décisif pour l’avenir du projet européen.