Imaginez-vous vivre dans une peur constante, scrutant chaque coin de rue, surveillant vos enfants pour qu’ils ne révèlent pas trop fort leur identité. C’est le quotidien qu’ont fui des familles juives françaises, poussées par une vague d’antisémitisme qu’elles jugent insupportable. Leur destination ? Israël, un pays en proie à une guerre dévastatrice à Gaza depuis octobre 2023. Ce choix, à la fois courageux et paradoxal, soulève une question : peut-on trouver la paix dans un lieu marqué par le conflit ?
Une vague d’aliyah sans précédent
En 2024, le nombre de Français ayant fait leur **aliyah** – terme désignant l’immigration juive en Israël – a bondi de manière spectaculaire. Selon des chiffres officiels, 2 170 personnes ont franchi le pas, soit une hausse de près de 97 % par rapport à l’année précédente. Ce mouvement, ancré dans la tradition juive et soutenu par la *loi du retour*, concerne toute personne de confession juive ou descendant de juifs. Mais qu’est-ce qui pousse ces familles à tout quitter, même en pleine tempête géopolitique ?
Un climat devenu irrespirable en France
Pour beaucoup, la décision trouve ses racines dans une montée alarmante de l’antisémitisme en Europe, et particulièrement en France, qui abrite la plus grande communauté juive du continent, estimée à environ 400 000 personnes. Une mère de famille de 27 ans, installée aujourd’hui dans une ville au nord de Tel-Aviv, raconte une vie faite de précautions incessantes : masquer les signes religieux, éviter les conversations trop explicites sur son identité. “On vivait dans une tension permanente, presque paranoïaque”, confie-t-elle à une source proche.
“C’était comme si on devait s’excuser d’exister. Je faisais le guet devant l’école de mes enfants, par peur d’une agression.”
– Une mère anonyme
Cette détresse n’est pas isolée. Depuis l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023, suivie d’une guerre brutale à Gaza, les tensions se sont exacerbées. En France, des manifestations dénonçant les frappes israéliennes ont parfois été perçues comme un terreau d’antisionisme, voire d’antisémitisme, amplifiant le sentiment d’insécurité.
Israël : refuge ou défi ?
Arrivées en Israël, ces familles décrivent un mélange de soulagement et d’appréhension. “Je me sens cent fois plus protégée ici”, affirme la jeune mère installée près de Tel-Aviv, malgré une trêve fragile dans le conflit avec le Hamas après 15 mois de combats. Son beau-père, qui l’a suivie, partage ce sentiment, même s’il avoue la difficulté de s’adapter à une terre dont il ne maîtrise pas la langue. “Quitter son pays, c’est un déchirement”, souffle-t-il.
- Un sentiment de sécurité renforcé malgré la guerre.
- Une adaptation complexe dans un pays inconnu.
- La langue, un obstacle majeur pour les nouveaux arrivants.
Pourtant, le tableau n’est pas uniforme. En 2024, Israël a accueilli 32 297 nouveaux immigrants, un chiffre en baisse de 39,9 % par rapport à 2023, notamment en raison d’une chute drastique des arrivées russes. À l’inverse, les demandes en provenance des États-Unis et du Canada ont explosé, avec une hausse de 60 % enregistrée entre octobre 2023 et octobre 2024.
Des profils variés, une même quête
Qui sont ces nouveaux immigrants ? D’après une responsable d’une agence d’intégration, la majorité a entre 18 et 33 ans, 43 % sont célibataires, et beaucoup exercent des métiers qualifiés : ingénieurs, soignants, enseignants, avocats. Environ 65 % des familles sont issues de milieux orthodoxes. Mais tous partagent un point commun : un ras-le-bol face à l’antisémitisme mondialisé.
Zoom sur une histoire : Un jeune Américain de 26 ans, diplômé en agriculture, prépare son départ pour Tel-Aviv. “Je n’avais jamais pensé vivre en Israël, mais voir des gens soutenir une attaque aussi violente m’a révolté”, explique-t-il.
Ce futur immigrant prévoit de s’installer avec ses orchidées, laissant derrière lui ses animaux de compagnie. Un choix “doux-amer”, dit-il, mais qui reflète son désir de renouer avec ses racines, ses grands-parents ayant fui l’Europe après la Shoah.
La guerre au quotidien : un prix à payer
Vivre en Israël aujourd’hui, c’est aussi accepter une réalité marquée par le conflit. Une Américaine de 34 ans, arrivée en juillet 2024, raconte les nuits interrompues par les sirènes d’alerte. “Je savais à quoi m’attendre, mais pas à ce point”, confie-t-elle. Pourtant, elle voit dans cette migration une manière de contribuer à l’avenir du pays.
“La paix ne viendra que par la coexistence. Imaginer un futur sans juifs ou musulmans ici, c’est illusoire.”
– Une immigrante récente
Pour les parents, la perspective du service militaire obligatoire pour leurs enfants ajoute une couche d’angoisse. “Mes trois garçons devront servir. Ça me terrifie, mais c’est le contrat que j’ai signé en venant ici”, admet la mère de famille installée près de Tel-Aviv.
Un phénomène mondial
Ce mouvement ne se limite pas à la France. Aux États-Unis, la guerre à Gaza et ses répercussions sur les campus universitaires ont ravivé les débats sur l’antisémitisme. “Je n’aurais jamais cru voir autant de soutien au Hamas autour de moi”, déplore le jeune Américain du New Jersey. Cette prise de conscience collective semble redessiner les contours de l’immigration juive vers Israël.
| Pays | Évolution 2024 | Tendance |
| France | +96,9 % | Hausse |
| Russie | -39,9 % | Baisse |
| États-Unis/Canada | +60 % (demandes) | Hausse |
Ces chiffres traduisent une dynamique complexe : si certains fuient l’insécurité, d’autres cherchent à affirmer leur identité dans un contexte de polarisation mondiale.
Un avenir incertain mais assumé
Pour ces nouveaux arrivants, Israël représente à la fois un refuge et un défi. Entre la peur des roquettes et la volonté de construire un foyer, leur parcours illustre une résilience hors norme. “On ne choisit pas ce pays par facilité, mais par conviction”, résume une voix anonyme. Reste à savoir si cette vague d’aliyah marquera un tournant durable dans l’histoire de la diaspora juive.
