Imaginez une région où la promesse d’une paix durable s’effrite sous le poids des balles et des ambitions. En Colombie, dans le nord-est sauvage du Catatumbo, ce qui devait être une ère de réconciliation s’est mué en un chaos sanglant. Des commandants de la guérilla, tapis dans les montagnes, défient l’armée et le gouvernement avec une détermination farouche. Que s’est-il passé pour que la « paix totale », portée par un président ambitieux, bascule dans ce que certains appellent une « guerre totale » ?
Quand la Paix se Transforme en Conflit
Le projet était audacieux : mettre fin à un conflit vieux de plus d’un demi-siècle, qui a englouti près de 1,1 million de vies. Le président colombien, élu avec des rêves de démobilisation des groupes armés, avait baptisé cette vision « paix totale ». Mais dans les jungles épaisses du Catatumbo, près de la frontière vénézuélienne, cette ambition semble s’être perdue dans les échos des tirs.
D’après une source proche des événements, deux figures influentes de l’ELN, une guérilla d’inspiration révolutionnaire, ont brisé le silence lors d’une rencontre secrète. Entourés de combattants armés jusqu’aux dents, ils ont livré un message clair : face à l’arrivée de 10 000 soldats dans la région, ils n’hésiteront pas à riposter. « Nous nous défendrons en tant que force insurgée », ont-ils assuré.
Une Escalade qui Brise les Espoirs
Depuis le début de l’année, la violence a repris de plus belle. Ce regain de tension a réduit à néant les efforts pour désamorcer un conflit qui semblait, un temps, pouvoir s’apaiser. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 56 000 personnes déplacées et au moins 76 morts en quelques semaines seulement, selon des données officielles. Le Catatumbo, déjà marqué par des décennies de luttes, est aujourd’hui le théâtre d’une crise qualifiée de « plus grave depuis dix ans ».
« En fin de compte, il s’agit d’une guerre totale. »
– Un commandant de l’ELN, lors d’une interview clandestine
Cette déclaration, teintée d’ironie, résonne comme un aveu d’échec pour le gouvernement. Les espoirs de dialogue se heurtent à une réalité brutale : les deux camps se préparent à une confrontation d’une ampleur encore incertaine.
Le Catatumbo : Un Champ de Bataille Stratégique
Pourquoi cette région est-elle au cœur de la tempête ? Le Catatumbo n’est pas un simple coin de jungle oublié. C’est une porte d’entrée vers la côte caraïbe, un passage clé pour acheminer la cocaïne colombienne vers le monde entier. Les analystes s’accordent à dire que les affrontements récents entre l’ELN et un groupe dissident des FARC sont une lutte acharnée pour le contrôle de ces routes lucratives.
Les autorités pointent du doigt des liens présumés entre l’ELN et des cartels internationaux, notamment mexicains. Mais les commandants rejettent ces accusations. « Nous ne faisons que taxer la production locale pour financer nos activités », affirme l’une des figures interrogées, dénonçant une tentative de stigmatisation.
- Territoire disputé : Le Catatumbo, carrefour stratégique du narcotrafic.
- Taxes sur la coca : Une économie de guerre pour la guérilla.
- Déni officiel : Pas de trafic direct, selon les insurgés.
Une « Paix Totale » en Perdition
Le président colombien avait une vision : démobiliser les groupes armés, apaiser les tensions et réintégrer les combattants dans la société. Mais ce rêve s’effrite. Une commandante de l’ELN, recherchée par les autorités avec une prime sur sa tête, n’hésite pas à qualifier cette politique d’ »échec retentissant ». Elle évoque une dernière chance : la démobilisation d’une centaine de membres d’un front dissident des FARC, aujourd’hui en guerre avec son groupe.
Pour elle, le temps presse. « Dans les mois qui restent, il doit montrer des résultats », prévient-elle. Sinon, une contre-offensive d’une « autre dimension » pourrait embraser la région.
Cocaïne et Idéologie : Le Double Visage de l’ELN
Fondée en 1964 sous l’influence de la théologie de la libération, l’ELN se présente comme une force au service du peuple. « Nos armes ne visent pas les civils, mais défendent leurs droits », clame une voix autorisée au sein du groupe. Pourtant, cette rhétorique révolutionnaire cohabite avec une réalité plus trouble : la guérilla tire des revenus de la production de cocaïne, un commerce qui a explosé ces dernières années.
Selon des estimations de l’ONU, la superficie dédiée à la culture de la coca a grimpé de 420 % depuis 2012. Pour le gouvernement, l’ELN a troqué ses idéaux pour l’appât du gain. Une accusation que les commandants balaient d’un revers de main, insistant sur leur combat pour une « transformation sociale ».
Année | Surface de coca (ha) | Évolution |
2012 | 48 000 | – |
2025 | 250 000 | +420 % |
Une Guérilla Binationale ?
Les experts s’interrogent : l’ELN a-t-elle étendu ses bases au-delà de la frontière vénézuélienne ? Certains y voient une guérilla « binationale », profitant d’un territoire poreux pour se déplacer librement. Mais les commandants interrogés réfutent cette idée. « Nos positions sont en Colombie, pas ailleurs », insiste l’un d’eux, rejetant les spéculations.
Cette dénégation ne convainc pas tout le monde. La proximité du Venezuela, où les contrôles sont laxistes, alimente les soupçons d’une collaboration transfrontalière, notamment dans le trafic de drogue.
Les Critiques Fusent contre le Gouvernement
Les opposants au président ne mâchent pas leurs mots. Pour eux, les cessez-le-feu décrétés ces dernières années ont été une aubaine pour les groupes rebelles, leur permettant de se réorganiser et de se renforcer. Résultat : une multiplication des factions armées et une lutte sans merci pour les territoires riches en ressources illicites.
Le président, lui, accuse l’ELN d’avoir abandonné ses racines révolutionnaires pour céder à la « cupidité ». Une guerre des mots qui ne fait qu’attiser les tensions sur le terrain.
Un Avenir Incertain
Où va la Colombie ? Entre les promesses brisées de paix et une violence qui ne faiblit pas, le pays semble à un tournant. Les commandants de l’ELN se disent prêts au dialogue, mais leurs fusils restent chargés. « Ce sont les transformations sociales qui apaiseront les armes », affirme l’un d’eux, laissant entrevoir une lueur d’espoir au milieu du chaos.
Pourtant, dans le Catatumbo, les habitants retiennent leur souffle. Chaque jour apporte son lot de combats, de déplacements et d’incertitudes. La « paix totale » n’est plus qu’un lointain souvenir, remplacée par une guerre qui, pour beaucoup, semble sans fin.
Et si la paix n’était qu’une illusion dans un pays déchiré par ses propres ambitions ?