Au cœur du Sahel, un pays enclavé fait parler de lui : le Tchad. Imaginez un jeune dirigeant, propulsé au sommet après une tragédie familiale, qui, en quelques années, s’empare de tous les leviers du pouvoir. C’est l’histoire récente qui secoue cette nation, entre espoirs de renouveau et craintes d’un retour à l’autoritarisme. Accrochez-vous, car ce récit mêle ambitions, urnes contestées et un parti omniprésent.
Un Cycle Électoral qui Change la Donne
Depuis avril 2021, le Tchad vit une période charnière. Après la disparition soudaine de l’ancien président, son fils, un militaire devenu chef d’État à seulement 37 ans, a pris les rênes. Ce qui devait être une transition temporaire s’est transformé en une mainmise spectaculaire, validée par une série d’élections en 2024. Mais à quel prix ?
La Présidentielle de Mai 2024 : un Premier Coup de Force
En mai dernier, le dirigeant tchadien s’est offert un mandat de cinq ans. Une victoire écrasante, certes, mais entachée de doutes. L’opposition, dénonçant un scrutin truqué, a refusé de jouer le jeu, laissant le champ libre au parti au pouvoir. Des observateurs internationaux ont tiré la sonnette d’alarme, qualifiant le processus de peu crédible. Pourtant, cette étape a marqué le début d’une domination sans partage.
Nous n’accordons aucun crédit à ces élections. Les résultats étaient écrits d’avance.
– Un leader de l’opposition tchadienne
Ce boycott n’a pas empêché le pouvoir de célébrer. Pour eux, cette abstention traduit une faiblesse des adversaires, incapables de mobiliser. Mais pour beaucoup, elle révèle surtout un système verrouillé où la voix du peuple peine à s’exprimer.
Les Législatives de Décembre : le Parti MPS Triomphe
Quelques mois plus tard, en décembre, le parti fondé par le père du président, le **Mouvement patriotique du Salut (MPS)**, a renforcé son emprise. Avec 124 sièges sur 188 à l’Assemblée nationale, il s’est imposé comme une force incontournable. Les 23 régions du pays sont également tombées sous son contrôle, un exploit qui n’avait pas été vu depuis des décennies.
- 124 sièges pour le MPS à l’Assemblée.
- Présidence de toutes les régions acquise.
- Une opposition réduite à néant.
D’après une source proche du pouvoir, cette hégémonie s’explique par une recomposition politique : les anciens partis d’opposition auraient rejoint la majorité, laissant le MPS sans rival sérieux. Mais cette version optimiste ne convainc pas tout le monde.
Le Sénat : la Dernière Pièce du Puzzle
Le dernier acte s’est joué en mars 2025 avec les élections sénatoriales. Sur 46 sièges élus, le MPS en a raflé 43. Ajoutez à cela les 23 sénateurs nommés directement par le chef de l’État, et le tableau est complet : le Sénat, comme le reste, est aux mains du parti présidentiel. Une proclamation officielle a salué cette étape comme un renforcement de la démocratie, mais les critiques fusent.
Instance | Contrôle MPS | Opposition |
Assemblée | 124/188 | 0 |
Sénat | 66/69 | 0 |
Régions | 23/23 | 0 |
Ce grand chelem électoral boucle trois ans de transition. Mais loin d’apaiser les tensions, il ravive les inquiétudes sur l’avenir politique du pays.
Une Opposition Écrasée : Où Sont les Voix Dissidentes ?
L’opposition tchadienne, autrefois bruyante, est aujourd’hui invisible. En boycottant les scrutins, elle a voulu dénoncer une mascarade. Résultat ? Elle ne siège nulle part, laissant le MPS régner sans contre-pouvoir. Un responsable d’un parti adverse confie son désarroi : “Dans un État de droit digne de ce nom, une telle monopolisation est alarmante.”
Un vide politique inquiétant : sans opposition, le débat démocratique s’éteint, et le risque d’abus de pouvoir grandit.
Pour le parti au pouvoir, ce vide s’explique simplement : il serait le seul à avoir les moyens et la présence nationale pour s’imposer. Mais cette justification laisse sceptique. N’est-ce pas plutôt le signe d’un système conçu pour étouffer toute contestation ?
Démocratie ou Dictature : le Débat est Ouvert
Le pouvoir tchadien insiste : ces victoires électorales consolident la démocratie. Pourtant, des experts locaux ne partagent pas cet enthousiasme. Un politologue de l’université de la capitale souligne : “Un président a besoin de contrôler les institutions pour gouverner, mais trop de pouvoir mène à la dictature.”
Le pouvoir au Tchad est un patrimoine à conserver, légitimé par des mascarades électorales.
– Un constitutionnaliste tchadien
Cette idée d’un pouvoir “héréditaire” résonne dans un pays où les armes ont souvent dicté les règles. La transition actuelle, censée ramener la stabilité, pourrait-elle au contraire semer les graines d’un régime autoritaire ?
Les Défis d’un Pouvoir Sans Partage
Avec une telle domination, le dirigeant tchadien doit désormais prouver qu’il peut gouverner pour tous. Parmi ses priorités affichées, on trouve le renforcement de la paix et de la sécurité. Dans une région marquée par les conflits au Soudan voisin et les attaques de groupes armés, la tâche est colossale.
- Paix et réconciliation : un défi dans un pays fracturé.
- Sécurité : face aux menaces jihadistes et rebelles.
- Stabilité régionale : un enjeu crucial pour le Sahel.
Mais sans opposition pour équilibrer les décisions, certains craignent que les vieilles habitudes – répression et favoritisme – ne reprennent le dessus. Le récent remaniement du gouvernement, qui a ignoré les appels au dialogue de figures dissidentes, n’a pas rassuré.
Un Tchad à la Croisée des Chemins
Le Tchad d’aujourd’hui est à un tournant. Le départ des troupes françaises, après des décennies de présence, marque une rupture symbolique. Les nouvelles alliances avec des pays comme les Émirats arabes unis ou la Turquie redessinent la diplomatie tchadienne. Mais sur le plan intérieur, l’absence de contrepoids politique pourrait fragiliser ce fragile équilibre.
Et si la paix promise cachait un silence imposé ?
Pour certains opposants radicaux, ces élections contestées risquent de rallumer les tensions. “Sans dialogue, les armes pourraient parler à nouveau”, prévient une voix dissidente. Une prédiction sombre pour un pays qui aspire à la stabilité.
Que Retenir de Cette Transition ?
Après trois ans de transition, le Tchad est plus uni sous une bannière politique, mais à quel coût ? Le MPS domine, l’opposition s’efface, et le peuple observe. Entre espoirs de reconstruction et spectre d’un régime autoritaire, l’avenir reste incertain. Une chose est sûre : cette domination inédite fera date.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Le Tchad s’engage-t-il sur la voie d’une démocratie moderne ou d’un pouvoir sans partage ? La réponse, peut-être, se dessine déjà dans les sables du désert.