À Nantes, la question des projets routiers fait l’objet d’intenses débats et controverses. Alors que la métropole souhaite développer les mobilités douces et les transports en commun, certains aménagements du périphérique et l’élargissement d’un pont cristallisent les tensions, notamment avec les élus écologistes. Ces derniers dénoncent des infrastructures jugées « anachroniques » et « climaticides », réclamant que les budgets colossaux soient réorientés vers des alternatives plus vertes. Mais le dossier est complexe, révélant des visions opposées sur l’avenir des déplacements dans l’agglomération.
Le réaménagement controversé de la Porte de Gesvres
Le nouvel échangeur de la Porte de Gesvres, inauguré le 6 juin dans le nord-est de Nantes, concentre les critiques. Cet aménagement à 47,9 millions d’euros, financé aux trois-quarts par Vinci Autoroutes, vise à fluidifier un nœud routier fréquenté par 87 000 véhicules chaque jour, un chiffre qui devrait grimper à 100 000 d’ici 20 ans selon les prévisions. Mais pour les écologistes, c’est un projet « pas assez vert », qui va à l’encontre des efforts menés par la ville en faveur des mobilités douces. Ils ont donc boudé l’inauguration, laissant un grand vide politique.
Nous venons à bout du modèle du siècle précédent, celui du tout voiture et des grands périphériques
Fabien Gracia, maire EELV de La Montagne
Les élus écolos estiment que ces aménagements « démesurés » ne répondent pas aux défis actuels et appellent l’État à abandonner le projet pour rediriger les fonds vers des « mobilités soutenables » : covoiturage, pistes cyclables, nouvelles lignes de transports en commun… Une vision loin d’être partagée par tous, certains saluant malgré tout une « avancée positive » permettant de désengorger l’accès à la métropole.
L’élargissement à 140 millions du pont de Bellevue en question
Dans le viseur des écologistes également : le projet de triplement du pont de Bellevue, un autre point noir de circulation emprunté par 90 000 voitures par jour. Chiffré à 140 millions d’euros, cet élargissement est jugé comme une fuite en avant « climaticide », qui ne fera qu’attirer davantage d’automobilistes. Là encore, les élus verts réclament un changement de braquet en faveur d’alternatives décarbonées plutôt que d’adapter les infrastructures à un flux grandissant de véhicules. Une mobilisation qui a pris la forme d’une lettre ouverte au ministre des Transports, signée par 57 élus écologistes de la métropole, de la région et du département.
Des visions opposées sur les mobilités de demain
Ces controverses mettent en lumière le décalage persistant entre deux conceptions des déplacements urbains. D’un côté, une approche visant à adapter les infrastructures routières à la croissance du trafic et aux besoins de fluidité, dans la continuité des décennies passées. De l’autre, une volonté de rupture portée par les écologistes, qui prônent un report modal massif vers les transports en commun, le vélo et la marche, quitte à contraindre la place de la voiture.
Entre ces visions difficilement conciliables, la métropole nantaise tente de trouver un équilibre, non sans tensions politiques. Si les projets actuels vont plutôt dans le sens d’une adaptation aux flux routiers, la montée en puissance des écologistes pourrait infléchir les orientations à l’avenir. Les arbitrages s’annoncent d’autant plus cruciaux que les investissements engagés façonneront durablement le visage et le fonctionnement des mobilités dans l’agglomération.
Repenser les mobilités, un défi aux multiples facettes
Au-delà des controverses, ces projets soulèvent la question complexe de la transition vers des mobilités plus durables à l’échelle d’une métropole. Cela suppose de repenser en profondeur les infrastructures et les comportements, en agissant sur de multiples leviers :
- Développer un réseau de transports en commun efficace et attractif
- Aménager des pistes cyclables sécurisées et des cheminements piétons agréables
- Encourager le covoiturage et l’autopartage
- Modérer la circulation et le stationnement en ville
- Promouvoir de nouveaux usages comme le télétravail pour limiter les déplacements
Un cocktail de solutions qui implique une action coordonnée des collectivités, des entreprises et des citoyens. Le défi est d’autant plus grand dans une agglomération dynamique comme Nantes, qui voit sa population et ses besoins de mobilité croître rapidement. Trouver le bon rythme et les justes équilibres pour engager cette mutation s’annonce comme l’un des enjeux majeurs des prochaines années.
Les controverses autour des projets routiers nantais illustrent ainsi toute la complexité de la transition vers des villes post-carbone. Elles posent la question de la place à donner à la voiture dans les mobilités de demain, et des investissements à consentir pour façonner un autre modèle urbain. Un débat crucial à l’heure de l’urgence climatique, qui ne fait sans doute que commencer.