Héritage, un mot qui évoque à la fois la transmission familiale et le fardeau fiscal. En France, les droits de succession sont un sujet brûlant qui suscite de vives controverses. Cet impôt, souvent qualifié d’injuste et d’impopulaire, est remis en question par une grande majorité de Français. Mais pourquoi soulève-t-il autant de passions ?
Un Impôt Massivement Rejeté par les Français
Selon un récent sondage Odoxa, 77% des Français considèrent les droits de succession comme “injustifiés”. C’est dire l’ampleur du rejet de cet impôt, souvent surnommé “l’impôt sur la mort”. Année après année, il se hisse en tête des taxes les plus impopulaires, devant même la contribution sociale généralisée (CSG) et les taxes sur les carburants.
Mais cette impopularité est-elle vraiment justifiée ? Si l’on se penche sur les arguments avancés par les économistes internationaux, on découvre que cet impôt est souvent perçu comme illogique, injuste et contreproductif. Illogique car il taxe le patrimoine du défunt et non celui de l’héritier. Injuste car il pénalise principalement les classes moyennes, les plus riches ayant souvent recours à des montages fiscaux pour y échapper. Et contreproductif car il peut décourager l’accumulation de richesse et la transmission d’entreprises familiales.
La France, Championne de la Taxation des Successions
Mais ce qui choque le plus, c’est sans doute le niveau excessif de ces droits en France. Notre pays se distingue en effet par une fiscalité particulièrement lourde sur les successions. Avec la Belgique, la Corée et le Japon, la France fait partie des quatre pays de l’OCDE qui taxent le plus les héritages. Et elle arrive même en tête en Europe, très loin devant des voisins comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne.
Concrètement, cela signifie que les héritiers français doivent souvent s’acquitter de sommes considérables, pouvant aller jusqu’à 45% de la valeur des biens transmis. Une situation d’autant plus injuste que ce patrimoine a déjà été taxé tout au long de sa constitution, via l’impôt sur le revenu, les impôts locaux ou encore les plus-values immobilières.
Des Règles de Calcul Opaques et Inéquitables
Mais au-delà du niveau excessif des droits de succession, c’est aussi leur mode de calcul qui pose problème. En effet, les règles appliquées par le fisc sont souvent opaques, complexes et sources d’inégalités. Par exemple, les biens immobiliers et mobiliers sont taxés de la même manière, sans tenir compte de leur nature et de leur liquidité. Ainsi, un appartement familial sera soumis au même taux qu’un portefeuille d’actions, alors même qu’il ne peut être vendu rapidement pour payer les droits.
Autre exemple criant d’injustice : le délai de paiement des droits, récemment ramené de 10 à 3 ans. Cela signifie que les héritiers doivent s’acquitter de sommes colossales dans un temps très court, sans même avoir la possibilité de vendre les biens concernés. Une situation qui pousse de nombreuses familles à brader leur patrimoine, voire à s’endetter lourdement.
Quand le Fisc Joue avec les Nerfs des Contribuables
Mais l’injustice ne s’arrête pas là. Le fisc se permet aussi de jouer avec les nerfs des contribuables, en appliquant des règles pour le moins discutables. Ainsi, la valeur des biens est calculée à la date du décès, sans tenir compte d’éventuels changements ultérieurs. Exemple concret : un terrain constructible taxé comme tel au moment de la succession peut voir sa valeur s’effondrer si le plan local d’urbanisme change ensuite. Mais peu importe pour le fisc, qui continuera à réclamer des droits calculés sur l’ancienne valeur !
Face à de telles aberrations, comment ne pas comprendre la colère et le sentiment d’injustice des Français ? L’impôt sur les successions apparaît aujourd’hui comme un système à bout de souffle, déconnecté des réalités économiques et humaines. Un système qui pénalise les classes moyennes, fragilise la transmission des entreprises et décourage l’investissement.
Vers une Réforme en Profondeur de la Fiscalité Successorale ?
Face à ce constat accablant, une réforme en profondeur de la fiscalité successorale semble plus que jamais nécessaire. Plusieurs pistes mériteraient d’être explorées, comme la réduction des taux, la simplification des règles de calcul ou encore la prise en compte de la nature des biens transmis. Il faudrait aussi repenser le pacte Dutreil, censé faciliter la transmission des entreprises, mais qui reste aujourd’hui trop complexe et peu utilisé.
Mais au-delà de ces ajustements techniques, c’est surtout un changement de philosophie qui s’impose. Il est temps de passer d’une logique de taxation aveugle à une approche plus juste et plus incitative. Une approche qui valorise la transmission, encourage l’investissement et soutient les entreprises familiales, véritables moteurs de notre économie.
Car après tout, l’héritage n’est pas qu’une question d’argent. C’est aussi et surtout un lien entre les générations, un patrimoine affectif et symbolique qu’il est crucial de préserver. En taxant à l’excès cet héritage, l’État ne fait pas que ponctionner des ressources, il fragilise aussi la cohésion sociale et familiale. Il est grand temps de repenser notre fiscalité successorale, pour la rendre plus juste, plus efficace et plus respectueuse des contribuables. Un chantier ambitieux, mais nécessaire pour restaurer la confiance et bâtir une société plus équilibrée.