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La Nouvelle Vie des Russes en Serbie : Un Exil Durable

Depuis 3 ans, des Russes fuient en Serbie pour une nouvelle vie. Salons, cafés… ils s’installent durablement. Mais pourquoi certains sont-ils expulsés ?

Imaginez vendre tout ce que vous possédez, quitter votre pays en guerre et poser vos valises à 5 500 km de chez vous. C’est l’histoire de milliers de Russes qui, trois ans après le début du conflit en Ukraine, ont trouvé refuge en Serbie. Loin des combats et des incertitudes, ils reconstruisent leur vie dans un pays qui les accueille sans visa, mais pas toujours sans tensions. Que deviennent ces exilés dans une nation aux liens historiques avec la Russie ?

Un Refuge Inattendu au Cœur des Balkans

La Serbie n’était pas forcément la destination rêvée pour ces nouveaux arrivants. Pourtant, dès février 2022, elle est devenue une terre d’asile pour environ 100 000 Russes. Pourquoi ? Parce que ce petit pays européen, rare exception sur le continent, n’exige pas de visa pour les citoyens russes. Une aubaine pour ceux qui cherchaient une échappatoire rapide.

D’après des chiffres officiels, 67 000 permis de séjour temporaires ont été délivrés depuis le début de cet exode. Mais si l’on compte ceux qui vivent sans formalités administratives, les estimations grimpent entre 80 000 et 110 000 personnes. Ce flux migratoire a transformé des villes comme Belgrade, où les rues s’animent désormais d’une énergie nouvelle.

Des Salons de Coiffure aux Cafés Branchés

Un coiffeur de Sibérie, par exemple, a troqué ses salons de Novosibirsk pour un nouvel établissement dans un quartier branché de Belgrade. “On a beaucoup de clients maintenant”, confie-t-il, ciseaux à la main, dans une ambiance où la diaspora russe s’épanouit. Et il n’est pas seul : cafés non-fumeurs, salons de manucure et même clubs de sport inspirés des grandes villes russes essaiment un peu partout.

“On ne veut plus vivre dans une bulle russe, mais s’intégrer ici.”

– Un entrepreneur russe installé à Belgrade

Ces initiatives ne passent pas inaperçues. Dans une ville où la cigarette est reine, l’arrivée de lieux non-fumeurs intrigue. Mais elle agace aussi certains locaux, qui reprochent à ces nouveaux venus de faire grimper les loyers et d’apporter une touche de légèreté jugée déplacée dans un pays marqué par son histoire.

Une Communauté Jeune et Éduquée

Qui sont ces Russes qui refont leur vie en Serbie ? Majoritairement des trentenaires, entre 28 et 39 ans, souvent diplômés et qualifiés. Plus de 90 % d’entre eux se sentent en sécurité, un luxe qu’ils ne pouvaient plus s’offrir dans leur pays d’origine. Pour beaucoup, ce départ n’était pas un choix, mais une nécessité : fuir la conscription ou un régime qu’ils réprouvent.

À Novi Sad, la deuxième ville du pays, un père de famille gère un jardin d’enfants prospère. “On a des listes d’attente tellement il y a de nouveaux arrivants”, explique-t-il. Sa fille, elle, ira bientôt dans une école serbe, signe d’une volonté d’ancrage durable.

Entre Sécurité et Désengagement Politique

Si la Serbie offre un havre de paix, elle n’est pas exempte de paradoxes. Le pays n’a pas rejoint les sanctions contre la Russie et continue d’acheter son gaz à Moscou. Les chaînes comme Sputnik et RT, bannies en Europe, y sont accessibles. Une situation qui reflète des liens historiques forts, mais qui complique la vie des opposants au régime russe.

Certains, trop critiques, se sont vu refuser des permis de séjour ou ont été expulsés. Les manifestations contre la guerre, autrefois un lieu de rassemblement, attirent de moins en moins. “S’engager politiquement sans statut stable, c’est risqué”, note une chercheuse basée en Finlande. Résultat : 70 % des Russes en Serbie préfèrent se concentrer sur leur sécurité et leur confort plutôt que sur l’activisme.

Une Installation Qui Dure

Pour 30 % des exilés, rentrer en Russie n’est pas une option. Plus de 40 % envisagent de rester en Serbie au moins cinq ans. Apprendre le serbe, scolariser leurs enfants, contribuer à l’économie locale : autant de signes d’une diaspora qui s’enracine. Mais cette intégration ne va pas sans défis.

  • Apprentissage linguistique : Le serbe, bien que slave comme le russe, reste une barrière pour beaucoup.
  • Tensions locales : Les hausses de prix alimentent les frustrations des Serbes.
  • Équilibre politique : Vivre dans un pays pro-russe tout en fuyant Moscou demande de la prudence.

Un Équilibre Fragile à Belgrade

Belgrade, avec ses quartiers désormais cosmopolites, incarne ce mélange d’opportunités et de défis. Les Russes y ont créé une sorte de microcosme, mais beaucoup insistent pour en sortir. “On doit participer à la vie d’ici”, insiste un coiffeur, déterminé à ne pas rester dans une enclave culturelle.

Pourtant, la présence de diplomates russes et les rumeurs d’intimidation par des services pro-Moscou rappellent que cet exil n’est pas toujours synonyme de liberté totale. Entre pragmatisme et espoir, ces nouveaux Serbes d’adoption tracent leur chemin.

Et Après ?

Trois ans après le début de la guerre, la question se pose : cet exil est-il temporaire ou définitif ? Pour beaucoup, la réponse penche vers une installation durable. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, et les projets – qu’il s’agisse d’ouvrir un café ou d’inscrire ses enfants à l’école – montrent une volonté de construire un avenir loin de la Russie.

Mais dans un pays où l’opinion publique reste divisée sur le conflit ukrainien, et où les relations avec Moscou influencent la politique, l’équilibre reste précaire. Ces Russes, entre adaptation et discrétion, écrivent une nouvelle page de l’histoire serbe.

À retenir : Une diaspora jeune, éduquée et pragmatique transforme la Serbie, mais doit jongler avec des tensions locales et un contexte géopolitique complexe.

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