En cette ère de profonds bouleversements, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se trouve à la croisée des chemins. Alors que les tensions commerciales s’exacerbent et que son système de règlement des différends est paralysé, l’institution gardienne du multilatéralisme lance un cri d’alarme. Pour sa directrice générale Ngozi Okonjo-Iweala, le moment est venu d’entamer une réflexion de fond sur l’avenir de l’OMC et d’accélérer sa nécessaire réforme.
L’OMC face à une « nouvelle réalité »
Le constat est sans appel : le système commercial multilatéral tel qu’il a été pensé au siècle dernier n’est plus adapté aux réalités d’aujourd’hui. Entre l’offensive tous azimuts du président américain Donald Trump sur les droits de douane, la montée des tensions sino-américaines et la paralysie de l’organe d’appel de l’OMC, l’organisation est mise à rude épreuve. « Nous faisons face à une nouvelle réalité », a averti l’ambassadeur norvégien Petter Olberg, président sortant du Conseil général de l’OMC.
Cette nouvelle donne exige de repenser en profondeur les modes de fonctionnement de l’institution. Comme l’a souligné Ngozi Okonjo-Iweala, il est temps « d’élever le niveau, la profondeur et l’ampleur des réformes, d’examiner en profondeur l’organisation et de s’assurer qu’elle est vraiment adaptée aux défis du commerce mondial du 21e siècle ». Une réforme cosmétique ne suffira pas. « Nous devrions être ouverts à une véritable réforme, pas des petits pas », a insisté Petter Olberg.
Préserver le multilatéralisme à tout prix
Si la nécessité d’une réforme de grande ampleur fait consensus, sa mise en œuvre s’annonce ardue. Car c’est tout l’édifice du multilatéralisme commercial, fondé sur des principes et des valeurs communes, qui vacille sur ses bases. Pourtant, aux yeux des dirigeants de l’OMC, préserver ce système reste primordial, quitte à le réinventer.
Concrètement, cela implique de revoir les processus de décision, aujourd’hui bloqués par la règle du consensus qui donne un droit de veto de fait à chaque pays membre. Cela suppose aussi de réformer l’organe de règlement des différends pour lui redonner son rôle d’arbitre impartial et efficace. Enfin, l’OMC doit impérativement actualiser ses règles pour mieux prendre en compte les nouveaux sujets comme le commerce électronique ou la question des subventions.
Le spectre d’une fragmentation du commerce mondial
L’enjeu est de taille car sans une OMC forte et légitime, c’est le spectre d’une fragmentation du commerce international qui se profile. Dans un système atomisé où chacun fixerait ses propres règles, la loi du plus fort prévaudrait au détriment de tous. Les pays en développement seraient les premiers perdants de ce scénario du chacun pour soi.
Pour conjurer ce risque, l’OMC doit impérativement réussir sa mue et prouver qu’elle peut encore être ce lieu unique de coopération où les différends se règlent par le dialogue plutôt que par la confrontation. La route est encore longue mais l’organisation semble décidée à relever le défi. Réussira-t-elle son pari ? L’avenir du commerce mondial en dépend.